Mort aux pères

Entretien / David Mambouch met en scène Noires pensées, Mains fermes, aux Ateliers. Une pièce qu'il a lui-même écrite et qui interroge, entre autres, les notions de paternité et de filiation. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Le texte que vous avez écrit n'est pas simple à comprendre... Pourquoi avoir pris le parti de la complexité ?
David Mambouch : J'ai abordé la problématique de la parenté et de la filiation en tentant de rendre compte de sa complexité et cela donne un résultat très éclaté. En fait, à chaque fois que j'ai voulu rationaliser mon discours, je l'ai trouvé appauvri. L'aspect onirique et les images plus complexes me semblaient intuitivement plus justes.Ce n'est pas la première fois que vous abordez la question de la filiation...
En fait, cette pièce s'inscrit dans un trio de pièces ; celle jouée au TNP l'an dernier, celle-ci et une autre qui n'a encore jamais été portée à la scène... Si le sujet de la filiation me touche, c'est que j'ai une histoire particulière avec mon père qui est un religieux... J'ai aussi l'âge d'avoir des enfants et pourtant je n'ai pas encore résolu cette question : pour moi ce serait quelque chose d'insensé de faire un enfant dans ce monde, mais ce serait également un échec de ne pas en avoir... Cette pièce ne parle d'ailleurs pas que de la filiation mais aussi de l'éducation car tuer le père c'est aussi tuer le maître.L'apprentissage ne peut-il être fait que comme vous le montrez, de manière violente ?
Je n'espère pas ! Pourtant, il y a toujours une phase de séparation des corps qui est violente. Soit parce que l'élève renie le maître, soit parce que l'élève se rend compte qu'il ne peut pas garder son statut d'apprenti pour l'éternité. La religion est omniprésente dans votre pièce, entre passages presque mystiques et moments de dérision, mais vous ne choisissez jamais votre camp...
En fait, je ne suis jamais satisfait de la manière dont la religion est traitée. Mais je n'ai effectivement pas une vision binaire ; je ne veux pas choisir entre mysticisme et une position anti-ecclésiastique. Je me demande simplement si la religion unit tous les membres du corps ou les individualise. Je n'ai pas la réponse. Noires pensées, Mains fermes a beaucoup évolué, ce texte a connu plusieurs versions...
J'ai écrit des versions très sérieuses de la pièce mais finalement, si le père n'est pas un clown pourri et potache, il ne rend pas compte de l'un des aspects de la paternité, s'il n'est pas sérieux du tout non plus... J'ai donc essayé de trouver un équilibre qui rende compte de cet éclatement. Parfois, c'est chiant, mais au moins c'est honnête.Une devise que vous pourriez reprendre à votre compte ?
Il y a plein de manière de ne pas être chiant… Moi, je ne me fais pas chier devant un film de Godard ou de Lynch. Il faut faire une distinction entre le caractère chiant et l’ennui. Pour moi, c’est important de pouvoir s’ennuyer, de prendre le temps. Aujourd’hui, les scénarios deviennent quelque chose de mathématique et on oublie le côté humain… Je veux bien essayer de me tromper.Vous utilisez des cadres immenses sur la scène… Dans quel but ?
La question des cadres et du cadrage a orienté toute la scénographie et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’histoire est sans cesse l’objet d’un fil narratif éclaté. Ensuite, les images que j’ avais en tête étaient des images de cinéma, les cadres me permettent d’imiter les mouvements de caméra, de zoomer sur des personnages, de créer des images en mouvement, quelque chose de «magique». Enfin, ce spectacle est pour moi comme une visite au musée, je fais des liens entre plusieurs tableaux qui sont pourtant juste posés côte à côte. Quels sont vos prochains projets ?
À l’heure actuelle, j’aurais envie d’écrire une comédie très simple. J’aime l’idée de ne pas être en effort sur une pièce. Noires pensées, Mains fermes
Au Théâtre Les Ateliers
Jusqu’au 31 janvier

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