«Le tour de chant idéal»

Entretien / Dans «Madame Raymonde exagère», Denis d’Arcangelo enfile la robe de Madame Raymonde pour un tour de chant et un peu plus… Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Vous avez créé le personnage de Madame Raymonde au début des années 90. Qui est cette femme et pourquoi ne l’avez-vous plus quittée depuis ?
Denis d’Arcangelo : Madame Raymonde est née suite à un concours de circonstances. À cette époque, je travaillais avec Philippe Bilheur sur la création de spectacles de rue. Nous avions une passion commune pour le cinéma des années trente et surtout pour Arletty. En 1988, pour les 90 ans d’Arletty, nous avons décidé d’aller chanter sous ses fenêtres avec un orgue de barbarie. C’était un dimanche d’été, elle était chez elle, elle nous a fait entrer et une amitié est née ; nous sommes passés la voir une fois par mois jusqu’à sa mort, quatre ans plus tard. Le même été, dans une brocante, nous sommes tombés sur une robe qui me rappelait celle qu’Arletty portait dans «Hôtel du nord» quand elle incarnait le personnage de Madame Raymonde. C’est ainsi que mon personnage est né… Le soir dans la rue, j’ai chanté des chansons d’Arletty. Arletty, elle nous a poussés à continuer et nous a conseillé un répertoire, notamment des chansons de Gaby Montbreuse. Très vite, j’ai abandonné l’imitation pour créer un véritable personnage de théâtre. Aujourd’hui, Madame Raymonde est devenue mon masque, elle me permet d’interpréter le tour de chant idéal et de faire ce que je n’ose pas faire en mon nom propre.Qu’est-ce que Madame Raymonde a à nous dire dans ce nouveau spectacle ?
En fait, c’est un faux nouveau spectacle. Le titre a changé, mais il s’agit toujours du tour de chant de Madame Raymonde. Les nouveautés ? Madame Raymonde est devenue plus féministe et elle est un peu plus inscrite dans son temps avec des références à des épisodes tirés de l’actualité, ce que je ne faisais pas avant. Mais j’essaie d’être prudent pour garder Madame Raymonde comme un personnage hors du temps. J’aborde également les thèmes habituels : les gens de peu, les prostituées, l’alcool, la déchéance… Et je laisse une part importante à Gaby Montbreuse.Pourquoi Madame Raymonde est-elle devenue plus féministe ?
Un peu par hasard. Je suis tombé sur un texte de France Léa, «La grosse vieille pute de merde». Ce texte parle des femmes d’une façon qui me convient bien. Mais je pense qu’il y a autant d’urgence maintenant qu’il y a quarante ans à lutter conte les clichés. Dans les dictionnaires, la femme apparaît encore aujourd’hui comme «la compagne de l’homme». Il faut encore militer contre ces vieilles idées. Moi, je le fais certes avec des clichés, mais des clichés poétiques.Les adresses au public sont-elles toujours un élément déterminant de vos spectacles ?
Je fais de moins en moins d’adresses directes au public dans mes spectacles. Avant je faisais beaucoup participer le public, désormais, je tiens salon. Mais il y a tout de même beaucoup de réactions spontanées qui m’influencent et me font modifier mon spectacle. En revanche, je ne demande plus aux gens de faire des choses. En tant que spectateur, je n’ai pas envie qu’on me demande de faire des choses et s’adresser en permanence au public, c’est un peu putassier... Aujourd’hui, je ne suis plus dans la participation factice, mais cela ne m’empêche pas de rester à l’écoute des gens.Définissez-vous votre travail comme du cabaret ?
Non, plus maintenant. Mon spectacle commence avec un moment très cabaret, mais plus on avance vers le milieu du spectacle et plus c’est «théâtralisé», la lumière prend la parole… C’est un peu à l’image de mon parcours et de ce que m’a apporté l’écriture scénique : cela va du cabaret au théâtre. Enfin, c’est un vœu pieu aussi ! Je reviens souvent au papotage dans mon spectacle, en étant attentif à ce que cela ne nuise pas à l’émotion.Pensez-vous qu’il y a un intérêt nouveau pour le théâtre musical en France ?
Désormais il y a une alternative à l’opérette –un genre qui a été énormément abîmé et ringardisé– et aux grosses productions qui se définissent comme des comédies musicales. On voit aujourd’hui l’émergence d’auteurs qui se consacrent à l’écriture de spectacles musicaux de qualité comme à New York et à Londres. Et on voit également des comédiens formés à toutes les disciplines et capables d’interpréter ces spectacles.

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