«Le théâtre n'est pas réservé à une élite»

Entretien / Camille Germser, adepte des paillettes, des plumes, des boules à facettes et du music-hall met en scène «ses» filles dans "Les Précieuses ridicules". Première virée dans le classique pour cet homme de théâtre pas comme les autres. Propos recueillis par Mélanie Vivenza et Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Votre mise en scène est-elle fidèle au texte de Molière ?
Camille Germser : En fait, on attaque notre deuxième version de la pièce. On a beaucoup enlevé, décalé pour finalement revenir à quelque chose de plus fidèle à ce que Molière a écrit. Le plus gros travail a été d’imaginer le plus grand nombre de digressions dans la pièce.Parlez-nous de ces «digressions»
Je profite de certains moments comme les changements de scène pour faire intervenir la musique. Au total, il y aura entre quinze et vingt moments musicaux. La pièce de Molière dure environ 40 minutes, mon spectacle 1h30. La nomenclature a été totalement revue, j’ai redistribué les répliques…Le risque n’est-il pas de «casser» le rythme de la pièce ?
C’était l’une de mes craintes. C’est pourquoi toutes les séquences que j’ai ajoutées sont extrêmement rythmées. Par ailleurs, "Les Précieuses ridicules" est une pièce très simple à comprendre et c’est facile de «revenir» à la langue de Molière après les passages musicaux.Pourquoi monter un classique qui dénote un peu au regard de vos précédents spectacles ? Vous sentez-vous en charge d’une «transmission» des textes classiques ?
Tout d’abord parce que j’aimais le titre de cette pièce ! On ne dit souvent de ne pas le dire, mais je ne suis pas un lecteur. Pour moi, l’alexandrin est rédhibitoire. Je suis musicien et ce que je déteste, ce sont les ritournelles qui tournent en rond, les répétitions régulières. Ce que j’aime, c’est faire des spectacles. Pour moi, le théâtre doit être un divertissement, ce qui n’est pas incompatible avec le fait de raconter des choses. Je ne fais pas du Holliday on ice, j’ai envie d’aborder des sujets graves, mais par le biais du divertissement et du plaisir. Le théâtre n’est pas un art réservé à une élite. Je n’aime pas lire, mais j’aime écouter, j’adore en tendre les gens parler.La troupe de la Boulangerie est une troupe de femmes : comment avez-vous fait pour l'interprétation des deux amants de la pièce ?
Les femmes vont effectivement jouer des rôles d'hommes. Il y a huit filles au total, soit bien plus que dans la pièce originale. Pourquoi ne travaillez-vous qu’avec des femmes ?
Les femmes, c’est un truc que je ne comprends pas et cela me plait beaucoup. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours acheté des vêtements de femme que je stocke. "Mes filles", ce sont mes poupées, je les habille, je les mets en scène... Pour un homme qui essaie de montrer des femmes émancipées, c’est quand même un comble, non ? Plus sérieusement, j’essaie de faire voir une féminité exacerbée pour briser les carcans et je suis souvent choqué de voir à quel point cela est nécessaire !Le cabaret semble progressivement gagner ses lettres de noblesse en France…
La revue et le music-hall ont longtemps été vus en France comme totalement ringards. Moi, j’adore ça et on constate que cela marche très fort dans d’autres pays. Bien sûr, ces spectacles ont souvent un aspect très commercial, mais il y a également un vrai savoir-faire à l’étranger dont on pourrait s’inspirer ici. Vous faites de la revue, mais vos comédiennes ne sont ni danseuses, ni chanteuses à la base...
C’est un choix, je veux les plonger dans un univers qui n’est a priori pas le leur.Camille Germser
2000 : Camille Germser, auteur-compositeur fonde la compagnie La Boulangerie
2001 : Il crée "La Flûte", d'après Mozart et compose une musique inspirée de la comédie musicale américaine et de musiques de films.
2003 : Il crée "Le Syndrome de Taylor".
2005 : Met en scène "Cheek to cheek".
2006 : Co-réalise "In Situ" avec Emmanuel Daumas.
2007 : Présente une nouvelle version de "La Sublime Revanche" : "Entre ça et ça, la Sublime revanche", au festival Off d'Avignon.
2009 : Crée "Les Muses".

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