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Il ne pense K ça

Nous sommes tous des K

Théâtre Jean Vilar

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Le Grenoblois Bruno Thircuir et sa Fabrique des petites utopies investissent Bourgoin-Jallieu avec "Nous sommes tous des K", repas-spectacle populaire basé sur un texte de Kakfa. Rencontre avec le metteur en scène pour évoquer ce projet et, plus globalement, les mutations de sa compagnie. Aurélien Martinez

La Fabrique des petites utopies est une institution à Grenoble. Une compagnie menée par Bruno Thircuir qui propose depuis douze ans un théâtre fort et engagé, que ce soit sur le fond (elle pose notamment un regard pertinent sur l’Afrique) ou sur la forme (avec son camion-théâtre). Que le metteur en scène se confronte aujourd’hui à Kafka et l’une de ses œuvres phares qu’est Le Château (1926) n’est donc pas tellement une surprise.

«Quand je l’ai lu il y a vingt ans, je me suis dit que cet auteur avait deviné que l’on allait vers une paralysie des relations. C’est de ça dont souffre cet étranger lorsqu’il arrive dans ce village d’Europe [le personnage de K, arpenteur, se heurte à l’hostilité des villageois et, surtout, à celle de l’administration, NDLR]. Je l’ai acheté au Bénin en 1996 et je me suis alors dit qu’un jour je le monterai avec un comédien noir dans le rôle de K. Parce qu’aujourd’hui, ce n’est plus un juif qui est exclu de la société [Kafka était de confession juive, NDLR], c’est un noir, un arabe… En choisissant très radicalement de rendre K noir, on bascule dans une situation que vivent énormément d’étudiants étrangers que l’on renvoie après leurs études, mais aussi des travailleurs expulsés du jour au lendemain…».

Voyages voyages

Une adaptation donc, jusque dans le titre, qui devient Nous sommes tous des K. «J’ai longtemps buté sur le titre. Un jour, de retour de voyage, je me suis rendu compte qu’on était toujours l’étranger du coin. Et quel bonheur quand une porte s’ouvre, quand on est accueilli au Maroc avec un thé, quand on nous donne un bout de canapé pour nous installer en Birmanie. C’est tellement de vécu, ce fait que l’on soit mieux accueilli au fin fond d’une dictature birmane que dans nos villes repues d’Europe». Voilà pour l’idée principale, qu’il a fallu porter sur scène et affiner. «Paul [Emond, qui signe l’adaptation, NDLR] craignait que je fasse un K victime, voire héros. Mais ce n’est pas ça. Certes, nous sommes tous des K, mais nous sommes aussi tous des Klamm [un fonctionnaire haut placé du château, symbole de la forteresse repliée sur elle-même, NDLR], avec du pouvoir».

Du refus de l’élitisme

Nous sommes tous des K apparaît donc comme un spectacle politique, mais qui renferme aussi des aspects burlesques. «On est dans du théâtre forain. Les masques sont l’une des contraintes jubilatoires de la commedia dellarte. Il n’y a que cinq comédiens et comme ils jouent tous les personnages, il fallait qu’on les reconnaisse immédiatement». Un parti pris proche de la pantomime qui surprend vu la teneur du discours. «Mais Kafka a écrit ce texte pour que l’on rit du monde ! J’ai essayé de respecter ça. Du coup, on a un mélange entre l’humour juif [Kafka], l’humour africain [Alphonse Atacolodjou, le comédien principal, qui interprète K] et l’humour belge [Paul Emond] ! ».

Le spectacle semble dès lors confirmer la nouvelle orientation que Bruno Thuircuir donne à sa compagnie, avec des créations plus légères, moins rentre-dedans, au discours plus.... «consensuel ?» (il finit notre question lui-même !). «Ça fait douze ans qu’on raconte des histoires. Si je veux toucher les gens au-delà des convaincus du théâtre et des humanistes, je ne peux pas fermer ma porte avec des formes trop élitistes». Renierait-il alors les spectacles coups de poing que nous avions ardemment défendus dans nos colonnes, comme Kaïna Marseille ou Juliette je zajebala Roméo, au profit d’autres plus aseptisés comme Tour Babel ou, dans une moindre mesure, celui-ci ? «Non, ce n’est pas un reniement, c’est une phase, une époque. Je me compare beaucoup à un peintre : une période plus figurative n’est pas un reniement ! Et puis, on ne peut pas aller beaucoup plus loin que ce que l’on a fait sur Kaïna Marseille niveau violence». Reste donc toujours présente, malgré nos réserves, cette envie criante de questionner le rapport au public et d’investir tous les territoires au-delà des seules salles de spectacles. Une ligne directrice éminemment politique et généreuse qu’on ne peut que soutenir ici.

Nous sommes tous des K
Sur le parking du lycée Jean-Claude Aubry à Bourgoin-Jallieu, du mercredi 15 au samedi 18 mai

Public participatif

Nous sommes tous des K est un repas-bouffe assez savoureux. Comprendre qu’un repas est offert pendant la représentation, les tables servant ensuite de scène pour les acteurs. Une chouette idée, qui ne semblait toutefois pas assez aboutie lors des premières représentations près d’Annecy. «À partir du moment où tu intègres les spectateurs autant, c’est avec les représentations que tu te rends compte de ce qui marche, de ce qu'ils supportent ou non». Le spectacle ne demande donc qu’à grandir pour trouver sa voie. Ce qui n’est pas toujours possible, nous assure Bruno Thuircuir, qui saisit la balle au bond pour évoquer la pression imposée par les institutions : «Tour Babel a commencé à être bien au bout de vingt dates. Sauf qu’on est dans une telle course à la nouveauté... En convention, on nous oblige à produire un spectacle par an : c’est de la folie furieuse ! Par exemple, un théâtre qui nous suit ne voulait pas de reprises ! J’ai réussi à me battre pour en avoir, mais dans d’autres pays, comme la Russie, on joue au moins cent dates par spectacle ! Je ne vais toutefois pas me plaindre, on fait partie des chanceux : Les Enfants d’Icare [une précédente création] en totalisait cent trente, d'autres de nos créations deux cents».

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