La faim du fin

Ylajali

Célestins, théâtre de Lyon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Adepte des textes d'auteurs contemporains, Gabriel Dufay crée et joue "Ylajali", variation de Jon Fosse sur la pauvreté. Loin de s'engluer dans un univers glauque, il signe un spectacle inventif et parfois déchirant. Nadja Pobel

La misère est peut-être moins pénible au soleil. Mais sur le plateau noir, ténébreux et venteux des Célestins, elle suinte par tous les pores du comédien et metteur en scène Gabriel Dufay. Quand le jour se lève sur la scène, en début de pièce, il fait encore nuit. A peine distingue-t-on un paysage brumeux au loin, sur une toile peinte du plus bel effet, puis un homme errant. Il arpente l'espace dans tous les sens, se cogne à un lampadaire, découvre un autre homme caché sous un monticule de feuilles mortes et s'entend demander à de nombreuses reprises «Où habitez-vous ?». Mais le personnage principal de cette pièce écrite par Jon Fosse, d'après le roman de Knut Hamsun, culte pour des générations de norvégiens, Faim, n'a pas de domicile. Ce qui constitue la vie normale des uns n'a rien à voir avec la sienne. Cette différence qui se répercute sur tout (comment entrer en amitié, en amour quand on n'a pas de toit ? Comment se nourrir ? Comment s'habiller ? Comment dialoguer normalement avec un inconnu ?) n'est pas montrée de manière ostensible, elle ne se perçoit que par le travail pertinent d'une mise en scène qui ne sombre jamais dans la caricature - un écueil pourtant à portée de main avec un tel sujet.

Inconnu à cette adresse

En effet, à un personnage en guenilles et voix rauque abîmé par la misère, Gabriel Dufay a préféré un homme intelligible et intelligent, pas trop pouilleux, qui fait le malin chez Ma Tante pour refiler ses dernières breloques en échange de quelques sous. Pas de lamentation, de gestes de dépit inutiles : il y a de la vie dans Ylajali (nom d'une jeune femme fantasmée ou croisée) et même de la musique (magnifique accompagnement au piano d'Antoine Bataille), et c'est ce qui rend ce spectacle par instant très émouvant. Les supplications sur la faim, les instants violents de solitude traversés par le personnage central sont d'autant plus marquants qu'ils sont l'apanage d'un homme apparemment comme les autres. Si ce n'est que la spirale de la misère l'a avalé tout cru. Et que plus rien dès lors n'est pareil.

Ylajali
aux Célestins (petite salle) jusqu'au samedi 1er juin

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 8 janvier 2019 De Kate Tempest, l'on connaissait peu de choses en France, jusqu'à récemment. Par la grâce d'une tournée de concerts (passée par Bizarre! à Vénissieux), d'un second (...)
Lundi 16 décembre 2013 Comme souvent chez l'écrivain norvégien Jon Fosse, il ne se passe rien dans le court texte Violet (publié en France en 2005 avec Rêve d'automne). Un groupe de (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X