D'un B qui veut dire Bory

Plan B

Maison de la Danse

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Avec Plan B, Aurélien Bory entérinait l'acte de décès du cirque en temps que pur divertissement. Douze ans après sa création, cette réflexion gestuelle sur l'instabilité du monde, reprise à la Maison de la Danse cette semaine, reste un mètre-étalon du spectacle total. Benjamin Mialot

En 2013, avec Chapitres de la chute, Arnaud Meunier donnait à voir dans les moindres détails le déclin d'un empire financier, celui des Lehman Brothers, le long d'une passionnante fresque dont la mise en scène renvoyait autant à un certain artisanat cinématographique qu'aux préoccupations géométriques du constructivisme – qui fut l'art officiel de la révolution communiste.

A l'époque, on fut pris d'un étrange sentiment de familiarité à l'égard de ces partis pris formels. Cette luminosité cendrée, cet espace de jeu aux arrêtes menaçantes, ces citations visuelles courant de l'âge du muet à celui des effets numériques, on les avait déjà appréciés auparavant. Grâce à la Maison de la Danse, on se souvient enfin où : c'était dans Plan B, la métaphore acrobatique qui, en 2003, révéla Aurélien Bory comme l'un des plus excitants transgresseurs des lois de Newton de sa génération – au même titre que Mathurin Bolze ou Jérôme Thomas.

Mais au contraire de celui de Meunier, le spectacle de cet ex-acousticien formé au centre des arts du cirque de Toulouse n'invite pas seulement à regarder tomber les hommes de paille du grand capital – y compris, donc, au sens propre. Il invite à aussi à les regarder rebondir.

Un plan sans accroc

Et jongler. Et danser. Et même se battre, sur et au pied d'un plan de bois dont le moindre changement d'inclinaison entraîne un renouvellement total des acrobaties exécutées par les quatre interprètes, golden boys déboussolés qui tour à tour se disputent et se partagent la compréhension de cet environnement mobile, avec l'agilité un peu pataude de cosmonautes découvrant la face cachée de notre satellite.

La comparaison lunaire n'est pas gratuite. Car il y a du Méliès chez Bory, dans cette façon de négocier une trêve de l'incrédulité avec trois fois rien – une surface trouée de quelques trappes et plaques amovibles, à l'occasion transférée en fond de scène via une projection en temps réel. Et du Chaplin, aussi, dont il partage la capacité à dire la cruauté du monde moderne en deux temps trois mouvements d'une élégance proportionnelle à leur potentiel burlesque.

Nombreux sont ceux qui ont depuis tenté de déployer réflexion similaire sur le déséquilibre du corps, fut-il charnel ou social. De premiers sauts évoquant la frénésie millimétrée des jeux de plates-formes à un combat aérien digne d'un film martial chinois en passant par des séquences kafkaïennes de jonglerie, Plan B reste celui qui y parvient avec le plus de sensibilité et d'inventivité.

Plan B
A la Maison de la danse du vendredi 6 au mercredi 11 mars

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