La grande première de Tadayoshi Kokeguchi

Premières !

Radiant-Bellevue

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Membre du Ballet de l’Opéra de Lyon depuis six ans, Tadayoshi Kokeguchi s’apprête à livrer son premier travail chorégraphique lors de la soirée "Premières !" au Radiant. Comment arrive-t-on dans une telle institution de la danse contemporaine et comment peut se dessiner la suite ? Tentatives de réponses distillées sous la grande verrière, un des plus beaux studios de répétition au monde. Nadja Pobel

Né dans les Yvelines d’un père japonais et d’une mère normande, Tadayoshi Kokeguchi dit Tada, n’était pas prédestiné à devenir danseur parmi l’élite. Mélomanes sans être des professionnels de la culture, ses parents l’inscrivent à l’âge de 8 ans au Conservatoire de Sartrouville, où il pratiquera le piano durant douze années. Parallèlement, il s’essaye au sport (judo et tennis), mais c’est en accompagnant sa soeur à son cour de danse qu’à 18 ans, bac littéraire à option internationale avec équivalence anglaise en poche, il découvre ce qui deviendra rapidement une passion : «La danse est devenue très prenante, j’y pensais beaucoup, j’étais très curieux de voir des spectacles, des vidéos.»

À l’orée de sa vie d’adulte, il passe alors son temps dans le RER entre une école de jazz à Boulogne, une autre de danse à Bastille, ses études de musicologie à la Sorbonne entre Saint-Michel et Porte de Clignancourt et la maison familiale en banlieue. Bien que moins aguerri techniquement que nombre de ses concurrents et dépourvu de leur physique standard (au moins 1, 80m), Tada séduit par sa soif inextinguible d’apprendre et son fort potentiel le jury de l’école Maurice Béjart de Lausanne.

Danseur sera donc son métier : «J’ai eu l’avantage d’être naïf et passionné ; quand une porte s’est ouverte, j’ai tout donné et travaillé comme un malade.» Sans soupçonner que «le marché de la danse (sic) [puisse être] aussi difficile», il intègre ensuite le Scapino Ballet Rotterdam, une compagnie néerlandaise qui privilégie les créations aux reprises de grandes pièces, et est couronné en 2006, pour un solo, meilleur danseur de l’année du pays (par le Silver Swann Price VSCD) à la barbe de collègues beaucoup plus chevronnés : «Là encore, je ne me rendais pas vraiment compte sur le coup de ce que représentait cette distinction mais la compagnie m’a mis plus en avant encore.»

La ligne claire

Après cinq ans de représentations à travers les Pays- Bas et à l’international au rythme soutenu de trois par semaine en moyenne, il rejoint le prestigieux groupe d’une trentaine de danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon, dirigé par Yorgos Loukos depuis 1991, où il interprète les pièces des plus grands chorégraphes mondiaux contemporains, ses maîtres, de Jiry Kylian à Mats Ek en passant par Pina Bausch.

À la barre chaque matin pour un échauffement de danse classique, Tada répète en après-midi ou soirée et a dû, comme ses camarades, pour chacune des seize pièces (dont huit nouvelles !) présentées durant la saison qui s’achève, passer une audition pour savoir s’il allait figurer ou non au générique des spectacles, y compris ceux donnés dans le cadre de la Biennale et du Festival d’automne à Paris (où le Ballet présentait des Forsythe).

Cette compétition entre camarades ne ressemble toutefois en rien à la série de coups bas qui fait le sel du film Black Swan. Dans la danse classique tout est hiérarchisé. Ici, au contraire, «rien n’est jamais acquis» et tous sont à égalité, «car personne ne peut exceller dans tous les styles et on apprend sans cesse des autres.» La nature même de leur contrat va dans ce sens : un CDD de la ville de Lyon qui se transforme – ou pas – en CDI au bout de six ans. Cette forme d’humilité est une intelligence indispensable et même inhérente à la troupe, voyages collectifs (ils étaient encore en tournée américaine en avril-mai) et contacts physiques incessants obligent. Tada confirme : «Il faut passer au-delà de la rivalité mais c’est un métier très éprouvant mentalement et physiquement.»

Ses nouveaux mondes

À 32 ans, Tada envisage désormais la suite de son parcours, car il ne dansera plus très longtemps. Déjà très attiré par la composition musicale, il a fait part au cours de workshops du Ballet de son désir de création gestuelle. Intangibles sera la première (dont notre dernière Brigade du Ballet vous donne un aperçu sur notre site), bien qu’il soit déjà un peu passé de l’autre côté du miroir au Scapino. «J’ai énormément de chance que des gens que j’admire s’investissent dans mon projet. Mes amis du Ballet sont hyper motivés et acceptent que je sois temporairement leur chef. C’est un régal.» confie-t-il, la voix calme et le regard lumineux.

Cela fait un an qu’il fomente ce projet dans sa tête. Lui qui place Terrence Malik tout en haut de son Panthéon personnel et se nourrit de philosophie a élaboré son travail à partir de postures de gargouilles et de chimères. Des formes reconnaissables visuellement mais ont la signification n’est pas écrite : «Le sens émane de nos valeurs, de notre culture. Ce n’est pas palpable» constate-t-il. Dans le studio de répétition qui embrasse Lyon, ses huit danseurs semblent lutter contre des forces menaçantes émanant de toutes parts, ils tentent de mouvoir leur corps devenu contrainte, métaphore visant à «montrer comment on est prisonnier d’une forme et comment on essaye de s’en échapper.»

Entre les mélodies de Ligeti et Bach et le son numérique et inquiétant du producteur britannique Xela, Tadayoshi Kokeguchi a écrit lui-même quelques transitions. Et, quand les danseurs, exténués, achèvent leur partition, il traîne encore parfois, sous la splendide verrière, et retrouve le piano, cet instrument qui ne l’a jamais quitté.

Premières !
Au Radiant-Bellevue du mercredi 27 au samedi 30 mai

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