À Avignon, Blanche-Neige dynamitée

Blanche-Neige, histoire d'un prince

Théâtre de la Croix-Rousse

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Michel Raskine, ancien directeur du théâtre du Point du Jour, s'offre une cure de jouvence avec son premier spectacle jeune public, "Blanche-Neige histoire d'un prince". Dans le In d'Avignon, il convoque le rire lié à une noirceur dont s'enduisent tous les autres spectacles vus au cours du festival. Pour l'occasion, il retrouve l'autrice Marie Dilasser dont il avait déjà monté "Me zo gwin ha te zo dour" ou "Quoi être maintenant ?". "Blanche-Neige" sera longuement en tournée dans les prochains mois et notamment au Théâtre de la Croix-Rousse, en janvier prochain. Le metteur en scène nous amène à la genèse de ce projet détonnant et la folle caisse de résonance que produit le festival.

Vous connaissiez bien déjà Marie Dilasser dont vous aviez déjà monté des textes. Quelle est l'origine de ce nouveau projet ?
Michel Raskine : Un projet s'est cassé la gueule et ça m'avait un peu atteint et j'ai dit à Marief Guittier [NdlR, comédienne avec qui il fraye depuis plus de trente ans] que depuis le temps qu'on voulait faire un spectacle jeune public, on allait le faire. Claire Dancoisne que je connais bien a un lieu sublime de résidence, le Théâtre de la Licorne, à Dunkerque. Elle nous a accueilli, mais il fallait intégrer des objets au spectacle car son lieu est axé sur la recherche pour la marionnette contemporaine et le théâtre d'objets.

Ces contraintes ont été bénéfiques manifestement...
Évidemment que c'est bien. On n'a pas trouvé la pièce que l'on voulait. Je ne voulais plus faire de duos avec Marief, il fallait minimum un trio. On a décidé de faire Blanche-Neige et qu'elle serait le prince. J'ai voulu un personnage de Blanche-Neige qui soit le plus loin possible de celui du prince. Je connaissais Tibor Ockenfels de l'École de la Comédie de Saint-Étienne. Si il y avait beaucoup d'objets, il fallait aussi un technicien qui les surveille, les répare et j'ai pensé à Alexandre Bazan avec qui j'avais travaillé quelquefois (à l'ENSATT, il était dans Le Président, créé en 2012 pour les Nuits de Fourvière). Ce qui est étonnant, c'est que je n'ai pas réfléchi du tout à qui pourrait écrire le texte, je n'avais pas revu Marie depuis deux ou trois ans et j'ai pensé à elle immédiatement pour la crudité de la langue, le travail sur le genre qu'elle a poussé vraiment très loin.

Je lui ai dit que c'était pour tout public mais qu'on ne s'occupait pas de cette question pour le moment. Au départ, il y avait donc ces trois acteurs. On a éliminé la marâtre et on a repensé la question des nains [NdlR : il y en a 101 dont Lèche-bottes]. J'avais dit aussi que Blanche-Neige serait triste et qu'il y aurait la lune car, quand on est triste, on lui parle et que la lune répondrait comme dans le monologue de Claudel. Mais ça ne marchait pas, on a juste gardé la lune.

La matière du sens vient vraiment de Marie. Je n'ai pas fait de commande sur le thème de l'écologie qui l'obsède depuis toujours. La question du genre l'obsède également. Le théâtre à thèse n'est pas son style, à moi non plus. Mais je ne savais pas où on allait ! Il était impératif que ça commence par un monologue du prince, pour ne pas voir Blanche-Neige d'emblée ; il fallait travailler le titre en s'inspirant de l'exceptionnel Barbe-Bleue, l'espoir des femmes de Dea Loher, Marie a apporté Blanche-Neige, histoire d'un prince.

Après il y a eu beaucoup d'échanges. J'étais connecté avec la scénographe Stéphanie Mathieu : on voulait un castelet sur le plateau. C'est Marie qui a ramené l'histoire du cannibalisme, du fait qu'il n'y ait plus rien à bouffer, toutes les allusions aux autres contes aussi [NdlR : l'amant de Blanche -Neige est Monsieur Seguin !]. Il y avait Alice, Gulliver mais ils sont sortis et la dimension shakespearienne, je ne l'ai pas vue tout de suite arriver. Je voulais une tempête de théâtre et elle est maline car elle a fait Prospero, tout de suite après Richard III, la confrontation d'Hamlet. J'ai donné le cadre austère des personnages et il ne fallait pas que ça fasse plus d'une heure.

Comment le festival d'Avignon arrive dans l'histoire ?
Assez rapidement et assez facilement. Je connais très bien la directrice de la programmation Agnès Troly qui est une grande amie mais j'ai une règle tacite : ne jamais lui poser de questions sur le festival. Je ne lui dit jamais que j'ai un projet ni ne lui en propose. Un jour, je lui dis juste que je veux faire un spectacle jeune public et ça l'a intéressée. Quand je lui ait dit que le texte était de Marie Dilasser et puisqu'à la Chapelle des Pénitents Blancs (le lieu jeune public du In), il n'y a que des créations, en deux secondes, elle a dit « on le fait ».

Est-ce que jouer à Avignon est radicalement différent ?
C'est un amplificateur monstrueux. Quand on est dans le In, on a vraiment intérêt à ne pas faire un bide car tout est un peu exagéré, les succès comme les échecs. Et au bout de 24h, la réputation d'un spectacle est faite. Ce qui est appréciable dans le In est ce regroupement médiatique, de publics et de pros vertigineux. On touche en quelques temps beaucoup de monde. Le travail est vu. Très vu. Ce sont des conditions extraordinaires de travail. On s'extasie, mais par les temps qui courent, et vu comme les conditions de travail artistiques se sont dégradées y compris dans les grosses maisons et encore plus dans les compagnies (et je suis une jeune compagnie), que tout se rabougrit de tous les côtés, là on fait son travail dans des conditions normales avec une équipe d'accueil absolument extraordinaire au service du spectacle. On ne devrait pas s'étonner de ça, mais c'est merveilleux.

Avignon c'est aussi une planète folle, les rumeurs circulent... J'essaie toujours de me protéger de ce qui se dit et de me concentrer sur mon travail mais ça a des vertus extraordinaires. Quand on fait une création à Avignon, tout le monde fait des avants-premières ailleurs. La plupart des compagnies jouent deux fois, s'arrêtent quinze jours. Nous on joue douze fois d'affilée ! Artistiquement, le bénéfice est immense. Maintenant ont peut s'arrêter un mois et demi, reprendre à Valence en octobre, le spectacle est là.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 14 janvier 2020 Garder la noirceur initiale du conte, y injecter les tragédies modernes, déconstruire le genre... Une pièce à thèse ? Non ! Avec Blanche-Neige, son premier spectacle jeune public, Michel Raskine excelle à réunir tout les éléments foutraques dans ce...
Mardi 7 janvier 2020 Quelques pointures avignonnaises continueront leur tournée en cette deuxième partie de saison et surtout la jeune scène locale (ou pas) revient avec de nouvelles propositions. Coup d’œil très exhaustif de ce qui vous attend.
Mardi 15 octobre 2019 Toujours en vadrouille à travers la France, les Lyonnais de la compagnie La Cordonnerie sont régulièrement rappelés par le théâtre de la Croix-Rousse qui leur offre un jubilé début novembre avec la reprise de trois de leurs ciné-concerts : des...
Mardi 18 juin 2019 Le Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape, toujours privé de ses locaux habituels (suite à un incendie), organise une nouvelle édition de l'étonnant (...)
Mardi 8 janvier 2019 Entre certitudes et hypothèses, sorties annoncées et tournages en cours, le premier semestre 2019 s’achevant peu ou prou avec Cannes recèle son content de promesses…
Mardi 7 juin 2016 Nouveau rendez-vous au CCN de Rillieux-la-Pape (ce samedi 11 juin à partir de 19h), Cocotte fait bouillir la danse dans sa dimension performative (...)
Mardi 5 janvier 2016 Lancée par la venue de Joël Pommerat et Romeo Castellucci, la seconde partie de saison s’annonce dense et exigeante. Tour d’horizon de ce qui vous attend au théâtre sur les six prochains mois.
Mardi 15 septembre 2015 Chez ceux qui ne l’ont jamais vue comme chez ceux qui la connaissent déjà bien, son talent hors norme et sans cesse renouvelé provoque le même étonnement. Marief Guittier le confirme à l'Elysée sous la houlette de son éternel acolyte Michel Raskine...
Mardi 8 septembre 2015 À quoi ça tient, le projet d’une mise en scène de théâtre ? Au visionnage d’un documentaire parfois, comme celui vu par Michel Raskine au dernier (...)
Mardi 8 septembre 2015 La crème des artistes internationaux (Lepage, Stein, Jarzyna pour une variation sur "Opening Night"...) a beau fouler nos planches cette saison, on aurait tort d'en oublier les pointures rhônalpines. Zoom sur les prochains spectacles de Richard...
Mardi 16 juin 2015 Vice-versa, chef-d’œuvre absolu signé Pete Docter, est un nouveau cap pour la révolution initiée depuis vingt ans par les studios Pixar dans le cinéma d’animation. Ou comment une bande de geeks sont venus bousculer le monstre Disney, qui n’est pas...
Mardi 2 juin 2015 Toujours plus internationale et comptant 8 créations et 9 co-productions, la nouvelle saison des Célestins, au cours de laquelle sa co-directrice Claudia Stavisky se mesurera au très caustique "Les Affaires sont les affaires" de Mirbeau, s'annonce...
Mardi 6 janvier 2015 Après un premier tiers de saison assez calme, l’activité théâtrale s’intensifie nettement cette rentrée. Entre stars de la scène locale et internationale, créations maison et découvertes à foison, revue de détails. Nadja Pobel
Mardi 1 avril 2014 Un casting cinq étoiles et une mise en scène pluridisciplinaire au service de la quête amoureuse d'une superstar du porno : Jocelyn Flipo signe avec "Trash" sa comédie romantique la plus ambitieuse et la plus aboutie. Benjamin Mialot
Mardi 4 février 2014 Constamment jubilatoire, drôle, tendu et vif, "Le Triomphe de l'amour" signe les retrouvailles de Michel Raskine avec la si brillante écriture de Marivaux. Une très grande mise en scène, comme il en a déjà tant derrière lui. Nadja Pobel
Lundi 10 septembre 2012 10 mars 1975 : Jacques Chancel reçoit Michel Foucault dans son émission Radioscopie, sur France Inter. 10 septembre 2012 : au Lavoir, on rejoue la (...)
Jeudi 26 septembre 2013 Le pouvoir pour quoi faire ? Pour son retour aux Nuits de Fourvière, et en pleine période électorale (pas seulement en France !), Michel Raskine a l’audace de choisir la pièce cinglante de Thomas Bernhard, Le Président. À la hauteur de ce texte...
Lundi 26 mars 2012 Et voici la programmation complète (ou presque, tant elle est riche) des Nuits de Fourvière 2012 ! Certains événements étaient déjà connus, mais s’y ajoutent d’excellentes surprises, qu’elles soient musicales ou théâtrales… Christophe Chabert
Vendredi 14 octobre 2011 Oubliez la poupée aux cheveux noir ébène et ses sept nains collés aux basques. Dans la version du dramaturge anglais Howard Barker, il ne reste que la (...)
Lundi 5 septembre 2011 Changements de direction à la tête des théâtres, nouvelles infrastructures, orientations artistiques différentes pour les lieux existants… Ces bouleversements vont-ils modifier en profondeur le paysage théâtral lyonnais ? Dorotée Aznar
Mercredi 8 décembre 2010 Comédien, metteur en scène, directeur du Théâtre Le Point du Jour. DA
Samedi 13 mars 2010 Critique / Voilà un couple pour qui ça ne va plus du tout, un couple où l’amour est mort, ce que tous deux constatent au cours d’une scène de ménage dépassionnée, (...)
Samedi 13 mars 2010 Théâtre / La Danse de mort, remarquable adaptation d’August Strindberg, permet à Michel Raskine de signer un de ses spectacles les plus accomplis, où le perfectionnisme et l’intelligence de sa mise en scène s’expriment avec une évidente sérénité....

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X