Daniel Damart, lu et approuvé

Ingénieur industriel, tenancier de galerie d'art et éditeur indépendant, Daniel Damart a porté bien des casquettes. Il dirige aujourd'hui la maison d'édition Le Réalgar et, avec l'Association des Éditeurs Stéphanois dont il a la présidence, s'attache à promouvoir l'édition locale dans Loire.

« Quand j'étais lycéen, je voulais être libraire et j'ai terminé ingénieur. C'est comme ça, c'est la vie. » Grand lecteur dès son enfance, Daniel dévore Jules Verne à longueur de journée. Cette passion naissante pour la littérature française et les arts, éveille en lui l'envie de travailler dans le monde des lettres. Mais loin de l'odeur des vieux bouquins, c'est dans les usines de l'entreprise Haulotte qu'il commence sa carrière. Un tel revirement dans son parcours professionnel « est surement dû à un peu d’atavisme familial » concède-t-il, son père étant lui même ingénieur.

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C'est selon lui une caractéristique très française, que de « mettre les gens dans une case, dès vingt ans, au moment où ils terminent leurs études et d'imaginer qu'ils n'en changeront jamais. » Au cours de sa vie, il a découvert que contrairement à chez nous, « dans d'autres pays, c'est tout à fait naturel de passer d'un secteur d'activité à un autre. » Daniel, lui, a pris la troisième option : faire les deux en même temps.

Travailler pour soi

Après avoir consacré quinze ans de sa vie à l’ingénierie, il en conclut avoir « beaucoup travaillé pour les autres mais n'avoir rien fait pour soi. » En amateur d'art pictural, c'est à ce moment-là, en 2007, qu'il décide d'ouvrir une galerie d'art, Le Réalgar. Sans pour autant arrêter son activité industrielle, il met sur pied au cours des dix années suivantes, 59 expositions au sein de sa boutique au nom si singulier.

« En réalgar, en arsenic rocher, en orpiment, en salpêtre et chaux vive. » C'est dans un poème de François Villon qu'il trouve l’inspiration pour nommer sa galerie. Le réalgar, un cristal de souffre et d'arsenic, se trouve principalement dans les mines de charbon de la Ricamarie. « Je cherchais un nom, qui soit en relation avec Saint-Étienne », explique-t-il avant d'ajouter « et en général, les gens se rappellent que c'est un mot bizarre, un peu difficile à retenir. Quand ils essayent de le prononcer, ça ressemble plutôt à "ras-la-gare" ou quelque-chose comme ça ! »

Des arts et des lettres

La transition entre art pictural et littérature s'est effectuée progressivement dans la carrière de Daniel. Alors qu'il prépare une exposition du peintre François Mourotte, ce dernier lui montre un projet de livre autour d'un poème de Michel Butor (un des grands poètes français, Prix Renaudot mémoire 1957 avec La Modification NDLR). « À ce moment-là, je lui demande, comment il comptait faire un livre avec un poème de Butor. Je ne voyais pas comment il pouvait obtenir les droits d'auteur », raconte l'éditeur.

À la grande surprise de Daniel, le peintre et le poète se connaissent bien. L'auteur, dont l'oeuvre complète s'étale sur 13 volumes, passe, à l'époque, une semaine de vacances par an dans la demeure de Mourotte. Les textes en question, Michel Butor les avait même écrits spécialement pour ce livre. « Et c'est comme ça que l'on a fait ce premier livre » conclut Daniel. Après la parution de l'ouvrage, la littérature prend une place de plus en plus importante dans l'activité du Réalgar, jusqu'à ce la galerie ferme ses portes en 2016 pour devenir une maison d'édition.

L'union fait l'édition

En 2018, afin de donner plus de visibilité aux éditeurs indépendants de notre cité, Daniel fonde l'association des éditeurs stéphanois et organise dans la foulée un salon de l'édition en parallèle de la Fête du livre de Saint-Étienne. « On a eu beaucoup plus de succès que ce que l'on imaginait. Cela s'est préparé un peu au dernier moment, avec un tout petit budget », s'étonne-t-il encore.

Encouragé par ce succès, les éditeurs persistent et signent avec le salon C'est édité près de chez vous, en juin dernier. « L'idée était de dire au lectorat stéphanois qu'il existe aussi des éditeurs à Saint-Étienne. C'était important pour nous de montrer que l'on était présent chez les libraires », détaille-t-il en tant que président de l'association. Une démonstration qu'il juge nécéssaire car « sur les présentoirs des librairies on trouve d'abord les grands noms de la littérature, ce qui est normal. Mais on met moins en avant le travail local. »

« Mon préféré, c'est le dernier édité ! »

Depuis la parution de Talus, par Mourotte et Butor en 2009, Le Réalgar a édité plus de 70 livres. Si on lui demande duquel il est le plus fier, Daniel n'a pas de favori. « Il est impossible de dire lequel m'a le plus marqué, alors j'adopte la raison suivante : mon préféré, c'est le dernier édité ! »

Parmi les petits nouveaux de la maison, on retrouve une réédition Des Opéras de Lumière, de Jean-Noël Blanc (2016). C'est l'histoire romancée de l'amitié improbable entre le peintre misanthrope Ravier et le rubanier devenue photographe Felix Thiollier. À mi-chemin entre la biographie et le roman épistolaire, le livre est parsemé d'œuvres des deux artistes. On retrouve également Pierre Soulages, Présences d'outrenoir, par Bruno Duborgel qui est un recueil de poèmes autour d'une œuvre du peintre éponyme. Tout juste sorti de chez l'imprimeur, là encore, les mots succèdent aux images pour créer une composition pluridisciplinaire. Ensemble, ces deux tomes témoignent du fait que la poésie et l'art graphique font toujours partie intégrante de l'ADN de Daniel Damart et du Réalgar.

Plus d'infos sur Réalgar éditions cette page web

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