La Semaine de la Passion

La onzième édition du festival Piano passion débutera le 22 mai. Cette semaine consacrée aux transcriptions, arrangements et variations sur des thèmes de compositeurs offre un foisonnement de talent et d’éclectisme. Un rendez-vous annuel à ne pas manquer. ALAIN KOENIG

Dans une maison d’opéra où les directeurs tombent comme des héroïnes de Bellini (Jean-Louis Pichon et désormais, Daniel Bizeray), il est temps de faire partager au lecteur notre soulagement de voir le mot “passion“ orthographié enfin au singulier en lieu et place du pluriel. Espérons qu’à l’heure de la parution de cet article, les “passions“, noires expressions de l’ego, auront cédé la place à une seule passion, celle de la musique et des musiciens. Saluons également un festival qui nous donne l’occasion d’ouvrir notre horizon au-delà des questions internes de la colline Villeboeuf… Pour la onzième édition du festival Piano passion, l’Opéra théâtre de Saint-Étienne nous offre un savant cocktail de fraîches pousses printanières et prometteuses, tout en confirmant son ancrage dans “l’ivoire dur“ avec des têtes d’affiches installées de longue date, comme Alain Planès, Andreas Staier ou Alexandre Tharaud. Ce dernier, artiste en résidence dans notre riante cité, a proposé à un groupe de “jeunes quadras“, compositeurs contemporains, de revisiter des standards de la pop et de la chanson, composés entre 1965 et 1985. Une initiative qui permettra aux aficionados de la musique contemporaine de “croquer la pomme“ sur des mélodies et des rythmes de Michael Jackson ou de la très camp gay icon Gloria Gaynor… Les compositeurs se nomment Boris Filanowsky, Vincent Bouchot, Régis Campo, Gérard Pesson, professeur de composition au Conservatoire National Supérieur de Paris, ou Oscar Strasnoy, compositeur associé au Théâtre de Cornouaille (Quimper).

Petits arrangements entre pianos

Après une entrée en matière très haute en couleurs, la scène du Théâtre Massenet se changera en alcôve pour accueillir le binôme pianistique Anne-Céline Barrère et Nicolaï Maslenko. Les deux époux fusionneront leurs claviers dans un programme empreint d’une grande virtuosité. Une succession d’œuvres pour deux pianos permettra de mettre en valeur les prouesses techniques des musiciens : Variations sur un thème de Haydn de Brahms, Réminiscences de Don Juan et Concerto Pathétique en mi mineur de Franz Liszt, Variations sur un thème de Paganini de Witold Lutoslawski, et Rondo opus 73 de Frédéric Chopin. Référence de l’école française de piano, Alain Planès fera une halte au Jardin des Plantes pour ce troisième jour de festival. Au programme de son récital, les dérivés d’œuvres personnelles de différents compositeurs, sous la forme de variations ou de transcriptions pour piano. Un choix éclectique et étonnant de styles musicaux. L’occasion d’écouter «Un piccolo divertimento», andante con variazioni de Haydn, Six variations en fa majeur pour piano ou harpe sur un chant suisse de Beethoven, Adagio du quintette à cordes (transcription de Josef Schalk) de Bruckner, Thème et variations du sextuor à cordes opus 18 de Brahms, Soirée de Vienne (transcription de F. Liszt) de Schubert, Six chants polonais (transcription de F. Liszt) de Chopin, et enfin, Quinze chants paysans hongrois de Bartòk.

Variations «diabelliques» et «passions françaises»

Le «pianofortissime» Andreas Staier consacrera cette quatrième journée à l’un des monuments de la musique pour clavier, l’un des deux grands testaments pianistiques de Ludwig van Beethoven, Trente-trois Variations sur un thème de valse de Diabelli. Ce dernier, éditeur et compositeur, avait sollicité un grand nombre de musiciens autrichiens, demandant à chacun d’eux d’écrire une variation sur un thème de valse, inspiré, semble-t-il, des six premières notes de la Huitième Symphonie. La publication, envisagée sous forme d’édition collégiale, se fit in fine en deux parties : la première entièrement consacrée à Beethoven et la seconde aux autres participants. Parmi eux Czerny, Schubert, Liszt —âgé de onze ans—, Hummel… Se piquant au jeu, Beethoven ne composa pas moins de trente-trois variations entre 1819 et 1823! En clôture du festival, deux jeunes pianistes en pleine ascension, Cédric Tiberghien et Guillaume Coppola, se joindront à l’O.S.S.E.L. pour une soirée de concertos. Après l’ouverture des Ruines d’Athènes de Beethoven, puis la Danse Macabre de Franz Liszt, la soirée s’achèvera sur la Symphonie cévenole sur un chant montagnard français de Vincent d’Indy. La postérité n’aura pas été tendre avec ce grand compositeur français. Apôtre de la musique et du symbolisme de Wagner, ardéchois d’origine, catholique radical et prosélyte, chauvin, adversaire affiché du «debussysme», alors qu’il admirait secrètement sa musique… En France, il n’en faut pas plus pour rallumer “les passions“ et jeter le bébé avec l’eau du bain. Pouvait-on rêver plus grande concorde pour clore une semaine de passion(s)?

Festival Piano passion
Du 22 au 29 mai, Opéra-Théâtre de Saint-Étienne

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