La monarchie dans tous ses états

Fin de saison tonitruante et foutraque à la Comédie. L’association Nödj présente "Yvonne, Princesse de Bourgogne" de Witold Gombrovicz. Une histoire d’amour pas comme les autres révélant un subtile jeu de métaphore. Grégory Bonnefont

Créée en 2006, l’association Nödj aborde le théâtre et toute la complexité de sa théorie par d’éclairants jeux de mots. «Nous sommes des sociologues ratés, des physiciens fainéants, des philosophes dyslexiques et analphabètes, des neurobiologistes du 2e siècle, et nous jouons. Nous voulons l’énergie, l’intensité, la force centrifuge» clame Guillaume Bailliart. Celui qu’on a pu retrouver aux côtés tant de Michel Raskine que de Gwénaël Morin aborde l’œuvre de Gombrowicz pour assoir ses propos. Et c’est l’amour qui servira de filtre pour évoquer les questions sans réponse. Un filtre bien particulier toutefois du fait que la Cour royale mise en scène ici, offre une histoire grotesque. Yvonne, Princesse “Mollichonne“, à l’apparence défiant tous les canons de la beauté, est fiancée au Prince Philippe. Yvonne aimait Philippe et Philippe le lui rendit si bien qu’à la fin ça ne rendait rien. La chanson est bien connue. Le mariage devient impossible face aux critiques proférées par la Cour et pourtant demeure inéluctable. Seul l’assassinat de la Princesse Yvonne peut sauver la situation.

Les bassesses d’une haute société

Nous pourrions nous attarder sur la condition amoureuse dans la société de Cour mais au final le propos central ne se situe pas ici. Quoique Norbert Elias aurait apprécié ce raté sociologique dans cette réussite théâtrale. Le champ des métaphores explorées est bien plus fort. Car derrière l’hypocrisie et l’ignominie du crime se cache la tragédie, la réalité indicible. Celle d’un système basé sur les apparences à sauver, les conventions à reproduire. Cette «existence par la forme», propre à la Cour, organise la continuité par le spectacle. Or si le divertissement servi est au rendez-vous, le jeu des masques que chacun porte, amène au dialogue entre la cohérence malsaine de la Cour et l’interrogation autour de l’existence même de Yvonne. Son mutisme continu au fil du spectacle (pas un seul mot ne sortira de sa bouche) est à l’image du mal indéfinissable qu’elle représente et de cette incapacité à apporter des réponses aux questions sur le mythe qu’elle représente. Là une nouvelle fois demeure la réalité théâtrale : l’intuition d’une réalité indicible, qui serait un virus pouvant revêtir notre propre image. Mais de cela seuls les Rois ont le droit d’en parler et d’en juger.

Yvonne, Princesse de Bourgogne
au Théâtre Jean Dasté
du 22 au 24 mai, 20h

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