«Mes films parlent de la fragilité humaine»

Entretien avec Thomas Vinterberg, réalisateur de "La Chasse". Propos recueillis par Christophe Chabert

Partez-vous toujours d’un sujet pour vos films et, dans le cas de La Chasse, s’agissait-il de la sacralisation de la parole de l’enfant ?
Thomas Vinterberg : Mes films viennent d’endroits très variés, mais toujours de quelque chose qui relève de la fragilité humaine. Mon prochain film parlera du rejet d’une femme vieillissante, à cause de sa chair. Festen parlait d’un secret profondément enfoui chez un personnage. Dans La Chasse, j’étais intéressé à la fois par l’enfant et par l’homme en tant que victimes. Il y a entre eux une amitié très forte, presque une histoire d’amour. C’est un très bon couple, tous les deux rejetés par leur famille et c’est pour cela qu’ils se comprennent si bien. Pas sur un plan sexuel, évidemment… Dans le cas de la petite fille, à cause d’un mensonge, tout son monde s’écroule autour d’elle, ce qui est très touchant. Quant à l’histoire de Lucas, elle m’intéresse car il est sacrifié sur l’autel du besoin qu’ont les gens d’incarner leurs peurs à travers un bouc émissaire. Dans les cas réels que j’ai étudiés, les petites filles avaient grandi avec une mère qui pleure et un père violent qui les emmènent régulièrement chez gynécologue, leur donnant l’illusion parfaite d’être des victimes. Enfin, nous pensons au Danemark que les enfants ne mentent jamais ; alors qu’ils le font !

On vous a découvert avec Festen, qui appartenait au Dogme 95 ; La Chasse en est à l’opposé esthétiquement. Est-ce une forme de maturité pour vous ?
Il y a eu un avant et un après le succès de Festen. Avant, nous avions créé avec Lars Von Trier ces règles comme la caméra portée, et c’était une révolte contre le système et les conventions cinématographiques. C’était comme être sur une surface glissante, ce que j’adore. En 1998, après Cannes, c’est devenu une mode. Les gens ont appelé ça le «style Dogme», ce qui n’était pas du tout l’idée de départ ! J’étais dans une situation difficile car j’avais toujours envie de faire une mise en scène épurée. Du coup, dans La Chasse, la caméra est beaucoup plus invisible. Notre philosophie pour cela, c’était de tourner la scène comme s’il n’y avait pas de caméra, comme si la scène avait commencé bien avant que la caméra tourne et qu’elle continuait bien après.

Vous avez écrit une suite de Festen pour le théâtre…
J’avais eu l’idée de cette suite de Festen pour le cinéma, mais j’avais décidé de ne jamais la réaliser, car je trouvais l’histoire dégueulasse et car ça tuait mon héros des années 90. Un directeur de théâtre à Vienne m’a appelé et a insisté pour que je fasse une mise en scène. Comme il me payait très bien, j’ai accepté et il m’a proposé d’utiliser la scène comme un laboratoire. J’ai donc écrit cette suite, et je l’ai créée avec les meilleurs acteurs que j’ai jamais vus au théâtre, le public lui réservait des standing ovations, elle s’est jouée pendant deux ans, mais j’ai su immédiatement que je ne l’aimais pas. Elle s’est jouée après à Gothenburg, ça a été un très gros succès, mais les gens devaient aller consulter !

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