(rubrique Rétroviseur) Hors saison

Les jours raccourcissent, la météo se rafraîchit de semaine en semaine, la rue a sorti ses manteaux et la chanteuse de la place du Peuple a la goutte au nez. La nuit semble être tombée en quelques secondes. Il est plus que temps pour moi de mettre le cap au sud. Il ne fera pas forcément plus doux là-bas, mais il me pousse une envie de voir-la-mer-en-décembre, hors saison. Envie de plages désertes, de parkings vides et de rideaux baissés. Direction Montpellier. J’insère le CD d’Ibrahim Maalouf, piste douze, Beirut... J’aime rouler de nuit, dépasser des aires chargées de camions endormis, croiser l’interminable transhumance du cirque Medrano qui remonte sur Paris et me laisser charrier par ce long fleuve de bitume tarifé… Trois heures d’autoroute en pilote automatique et quelques albums de Jan Garbarek plus tard, péage… Départementale 986, Lattes, puis Palavas. Je me gare face à la plage de la Coquille. J’incline le siège, coupe la musique et m’octroie quelques heures de sommeil… Quand la lumière crue du levant me chatouille les paupières, je sors péniblement de l’habitable embué. De grands trampolines muets regardent passer les mouettes. Je repense à la chanson de Cabrel. « C’est le silence qui se remarque le plus »... Je distingue à peine la forêt de mats nus qui se dandinent au gré du roulis. Je regarde mes empreintes dans le sable humide. Un café, deux croissants. Quelques rayons de soleil entre dans le canal où les bateaux amarrés semblent déjà en hibernation. Une jolie rousse vêtue d’un étrange manteau en poils de lapin déambule au bras d’un grand chauve à lunettes, pieds nus, le pantalon remonté jusqu’aux genoux.  Le front de mer hors saison me semble délicieusement hors contexte, au moment où tout le monde s’affaire à boucler ses achats de No Hell. Pas une carte postale, pas un parasol. C’est sans doute pour cela que j’aime photographier la côte méditerranéenne hors saison : pour moi elle ne peut être hors sujet. Les lieux hors champ et les instants hors norme sont ceux qui me plaisent le plus, ceux qui m’émeuvent. C’est le genre de hors d’œuvre dont je me délecte volontiers. Parenthèse poétique bienvenue avant l’orgie de foie gras, de saumon fumé, de dinde et de champagne, avant les guirlandes de cadeaux en tout genre qui feront surtout plaisir aux nouveaux actionnaires de la FNAC. Je remonte dans la voiture et mets machinalement l’album rouge d’Eric Legnini. Direction St Etienne. La voix grave de Krystle Warren m’enveloppe. « Such a joy »... 

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