Le "Mot-onde" s'envole dans l'atelier de Novarina

L'Atelier volant

La Comédie de Saint-Etienne

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Lors de la première représentation de l'atelier volant au TNP l'automne dernier, il fallut remplacer une comédienne tombée malade l'après-midi. Céline Schaeffer, l'assistante de Valère Novarina la remplaça le soir même le texte à la main pour une somptueuse représentation. Voilà comment pourrait être résumée la force de cette aventure novarinienne: faire de la fragilité du théâtre la force de l'humain qui prenant corps dans l'acteur nous offre une des plus belles oeuvres de notre temps. Un matin pluvieux de décembre, Valère Novarina nous recevait dans son atelier à Paris pour nous livrer ses impressions sur sa venue à Saint-Etienne. Propos recueillis par Grégory Bonnefont

Valère Novarina : Nous sommes particulièrement heureux de venir jouer à Saint-Etienne… A Thonon, la ville où j'ai grandi, il n'y avait pas de vie théâtrale, et c’est Jean Dasté qui venait deux fois par an nous apporter la lumière... On l'attendait comme le Messie. Saint-Etienne est aussi la ville natale d’André Marcon, un acteur dont la rencontre pour moi a été fondamentale. Et récemment aussi, la rencontre avec René Turquois, un jeune comédien issu de l’école stéphanoise. Et puis il y a ici, encore vivante, une langue populaire. J’ai toujours à portée de la main mon dictionnaire du parler gaga !

Au travers de votre carrière, quel regard portez-vous sur le théâtre ?
La scène est un extraordinaire lieu où observer le langage, le surprendre  sur le vif. Le langage se voit dans l’espace alors qu’il se lit sur la page. Le théâtre nous aide à découvrir une autre autre physique. Nous allons au théâtre non pour voir encore des hommes, mais pour voir comment l’homme se représente. C’est une sorte d’extraordinaire laboratoire de toutes les formes de la figure humaine ! De Lascaux à Bacon, Louis Soutter et Basquiat ! Lui aussi, l’acteur dessine dans l'air, des figures humaines, des figures de rythmes. Il émet des anthropoglyphes, il lance des signaux humains. L'acteur meurt et ressurgit, agile, dans l’ onde des mots... Le langage ressuscite, agit en volume dans le corps de l'acteur et dans le corps du spectateur. D’autres zones de notre cerveau  sont soudain irriguées, renouvelées. L’acteur ouvre le livre avec tout son corps dans l'espace.

Nous sommes des animaux parlants

Comment vous-êtes vous emparé de votre propre oeuvre, l'Atelier volant ?
J'ai eu très vite l'impression que je devais respecter l'Atelier volant. Il est instable, comme le cirque. L’espace se renouvelle à chaque entrée : le cercle de la cage aux lions, le sol des antipodistes, l’air des jongleurs, le sommet du chapiteau pour les trapézistes... L’Atelier volant est comme une partie de cartes dont les règles changeraient tous les quarts d’heure : on commence par une simple bataille, puis on joue à la belote, on poursuit avec le bridge, pour finir au poker : c’est la scène du mât, où grimpe Réné Turquois. Il y a un renouveau du support de la perception. Ce n'est pas un monde stable, il y a une instabilité de la portée comme un passage de la musique orientale à la musique occidentale. C'est un animal vivant, il n'y a pas de signes morts. Les oeuvres d'art sont organiques et non pas mécaniques. Si on veut tuer l'atelier volant il faut des lieux stables. Il faut qu'il puisse se réinventer. De là est venue l'idée de l'accessoire créant un lieu, quelque chose proche de l'économie du cirque, de la circulation.

Comment expliquer que l'on parvienne à théâtraliser autant l'Histoire au travers de cette fantastique épopée humaine ?
Il y a quelque chose de dur dans cette pièce. On commence avec des choses simples : la plus value, l'achat de la force de travail. Puis la pièce creuse des choses autres et on s'aperçoit que sous la lutte des classes il y a la lutte des langues. On découvre la politique sous le langage et le langage sous la politique. C'est une pièce qui me semble de plus en plus étrange, irrégulière. Le spectateur est sans cesse emporté ailleurs, le sol se dérobe.

Jusqu'au point où le théâtre accouche d'autres réalités ?
Le théâtre est un instrument d’optique qui  nous permet de voir autrement. Le théâtre est un mode de la pensée. On apprend à voir tout en drame. “Drame“ au sens au sens d'organe du temps, de pluriel du temps, de dialectique, si vous voulez...

Est-ce cette capacité du théâtre de dire l'indicible ?
 Je me méfie beaucoup de ce mot.  Il y a une phrase très célèbre du philosophe Wittgenstein : « Ce dont on ne peut parler il faut le taire ». J’ai toujours aimé la renverser en : « Ce dont on ne peut parler, c'est cela qu'il faut dire.»  Nous sommes des animaux parlants. La pensée brûle les mots. La pensée est l'ardeur des mots. Il faut les mettre en mouvement, les renverser, ne pas en faire des idoles. Des idoles invisibles dont nous sommes les jouets. L'ancêtre de la pensée c'est la respiration. Nous venons porter jusqu'au bout, achever, accomplir la respiration animale. Il y a une sorte de résurrection dans la respiration. Le coeur est le renversement respiratoire.

L'atelier volant
du 16 au 18 janvier, 20h, Théâtre Jean Dasté

"Pleins feux"sur Valère Novarina
jeudi 17 janvier 2012, 18h30, l'Usine

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