Emmanuelle comme un soleil...

Emmanuelle Bertrand & Pascal Amoyel

Auditorium des Foréziales

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Sortie d’un nouveau CD consacré à Chostakovitch, une tournée en France et dans le monde, le concert d’ouverture du festival "Jeunes talents” de Montrond-les-Bains... Il était temps de faire le point avec la plus envoûtante des violoncellistes françaises, Emmanuelle Bertrand, la ligérienne... Propos recueillis par Alain Koenig

Vous étiez récemment au coeur d’un documentaire consacré au “violoncelle des tranchées” sur France2, d'où vient votre intérêt pour cet instrument?
Maurice Maréchal était, avec Rostropovitch, un des plus grands violoncellistes du XXème siècle, pour moi le plus grand! J'avais connaissance de l'existence de ce violoncelle de guerre, car Maréchal était le maître de mon maître Jean Deplace, professeur au CNSM de Lyon. Les années passant, ayant une meilleure connaissance de ce qu'était le jeu de Maréchal, j’ai compris qu’il y avait une filiation innée. Dans la généalogie de l’instrument, cette branche-là me fait chavirer, me fait fondre... Il était devenu urgent pour moi de témoigner, car les jeunes violoncellistes savent à peine qui est Maréchal! Et puis, il y a cette expérience ahurissante puisque, en 1914, il est mobilisé. Ses copains de régiment, Neyen et Plicque, ébénistes, lui disent: “un violoncelle c'est en bois, on va t'en fabriquer un avec les moyens du bord”. Ils l'ont baptisé le «poilu» et Maréchal l'a joué pendant toute la guerre. Il y tenait autant qu'à son violoncelle de concert. Jean-Louis Prochasson, mon luthier, m’en a confectionné une copie, d’un confort supérieur. Du point de vue purement technique, c’est un instrument qui pèse une tonne, dont le son est très beau, très joli, mais très étouffé. Le jouer est un exercice d’équilibriste en permanence. Nous avons créé avec Didier Sandre un spectacle autour de cet instrument, qui tourne actuellement avec Christophe Malavoy.

Votre prochain disque, consacré à Chostakovitch, sort le mois prochain chez harmonia mundi...
Là encore, c’est une musique qui a du sens par rapport à l’histoire, avec un aspect revendicatif très puissant. Et puis, il y a ce fameux premier concerto de Chostakovitch! Etant enfant, je me souviens d’avoir vu Rostropovitch le jouer avec un tel engagement, une telle violence qu’il finissait avec l’archet en pleine main! Cette oeuvre est un tourbillon tellement puissant, avec un côté frénétique, obsessionnel et viscéral. J’ai eu beaucoup de chance de l’enregistrer avec le BBC National Orchestra of Wales, un fabuleux orchestre. Je vais avoir l’occasion de beaucoup “tourner” ce programme en concert. Vous savez, on doit à Rostro(povitch) le fait que le violoncelle soit devenu un instrument de premier plan. Cette oeuvre en a vraiment repoussé les limites. Avant lui, on n’avait pas la moitié du répertoire que l’on a aujourd’hui. L’ironie, c’est que ce qui nous paraît injouable aujourd’hui, fera peut-être partie de nos classiques dans trente ans... Il faut travailler c’est tout. (éclat de rire).

Quelle place occupez-vous sur la scène “classique”?
Ce n’est pas mon souci et je ne veux pas que ça le devienne. La musique vient de l’intérieur et il faut l’arroser de l’intérieur. Evidemment, il faut avoir les moyens de s’adresser à un public, mais je ne veux pas inverser les choses. Si j’ai envie de parler d’un projet, c’est parce qu’il me passionne. Je ne vais pas essayer de “trouver” quelque chose qui puisse passionner les gens...Parfois, je rencontre un écho, comme ce projet sur Maréchal. Les artistes qui me touchent sont ceux qui fonctionnent de cette façon.

Le mot de la fin?
La musique a une force, qui peut nous porter, ou nous détruire. Pour moi, ça reste un mystère de savoir que les nazis pouvaient pleurer en écoutant du Schubert et, dans la minute suivante, assassiner des enfants. C’est une preuve de l’absence de lien entre l’humanité telle qu’on l’entend, dotée d’une capacité d’empathie, et le fait “d’être touché”. On voudrait établir ce lien mais il n’y en a pas. Ce constat est minant, car on perd un “levier”. Je reste pourtant convaincue que la musique a un rôle à jouer pour lier les gens, comme la culture. Quand on connait l’histoire de l’autre, la peur disparaît. La musique nous ancre également dans le présent. C’est un de ses pouvoirs extraordinaires. Quand on joue, le temps devient élastique; on peut l’étirer ou le resserrer. Il n’y a rien d’autre qui procure ça. L’amour, peut-être...(rire)

- Vendredi 15 février 20h30. Auditorium de Montrond-les-Bains (avec Pascal Amoyel)

- Début mars, sortie d’un nouveau CD chez harmonia mundi.

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