Flight

Flight
De Robert Zemeckis (ÉU, 2h18) avec Denzel Washington, Don Cheadle...

L’héroïsme d’un pilote d’avion est remis en cause lorsqu’on découvre ses penchants pour la boisson et les stupéfiants. Délaissant ses expérimentations technologiques, Robert Zemeckis signe un grand film qui célèbre l’humain contre les dérives religieuses, judiciaires et techniques. Christophe Chabert

Au commencement était la chair : celle d’une femme nue qui déambule au petit matin dans une chambre d’hôtel pendant que son amant se réveille en s’enfilant une ligne de coke qui lui permet d’évacuer sa gueule de bois. Ce long plan d’ouverture sonne comme une déclaration d’intention de la part de Robert Zemeckis : après trois films à avoir essayé de recréer par le numérique, la 3D et la motion capture les émotions et le corps humain, le voilà revenu à des prises de vues garanties 100% réelles et incarnées. Son cinéma a depuis toujours été obsédé par les limites plastiques de la figuration : les corps troués, aplatis, étirés comme des chewing-gums de La Mort vous va si bien, les cartoons vivants de Roger Rabbit, Forrest Gump se promenant dans les images d’archives ou le Robinson supplicié de Seul au monde… Flight introduit une subtile variation autour de ce thème : ici, la chair est fragile, mais cette fragilité signe en définitive la grandeur humaine.

Y a-t-il un pilote dans le pilote ?

Whip Whitaker (fabuleux Denzel Washington) prend donc son service comme pilote de ligne et réussit un exploit : un atterrissage en plein milieu d’un champ après une défaillance technique. Il est considéré comme un héros jusqu’à ce que ses analyses toxicologiques révèlent ses addictions. Ce que Zemeckis va montrer, c’est la façon dont Whitaker est progressivement dépossédé de son propre destin, ballotté comme son avion dans la tempête entre un avocat dépêché par la compagnie, ses anciens collègues syndicalistes, des rescapés ne jurant que par le miracle divin… Seul réconfort possible : une junkie qui tente de reprendre le contrôle de sa vie. La mise en scène, aussi vitaminée et rock’n’roll que celle d’un Scorsese, fait de Whitaker un bloc de vie brute refusant l’aseptisation généralisée, insoumis et indocile. Tout le pousse à rejeter la responsabilité sur les autres, la technique ou ce Dieu qui réduit les héros à l’état de pantins. Il n’en sera rien, car Flight est aussi incorrect que son personnage : il faut voir comment, au détour d’un détail aussi discret qu’essentiel — une télécommande capricieuse — le cinéaste montre que plus on pense contrôler le monde, plus on est renvoyé à ses propres imperfections. Nous sommes des machines désirantes, disait Deleuze ; du désir qui grippe la mécanique du monde, lui répond Zemeckis.

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