Le beau Blizzard

Passé en quelques mois du statut de buzz autogéré à celui de phénomène de foire perpétuellement sold out, le collectif Fauve redéfinit les contours du rock français à coups de spoken word qui se mord la langue. A n'écouter qu'au premier degré. Comprendre : en grelottant dans le "Blizzard", du titre de son premier EP. Stéphane Duchêne

«Toutes choses égales par ailleurs», comme disent les sociologues, Fauve n'est égal à rien, cultive la différence jusqu'à porter le signe "≠" en blason. Quand certains clament «on boit et puis on danse», ici, on vomit d'avoir trop trinqué ; on régurgite des logorrhées dégorgées sans filtre, à ravaler comme telles au risque du dégoût ; on cristallise moins la pensée par le verbe qu'on ne la dynamite pour en ramasser les miettes. Se ramasser soi-même à la petite cuiller pour charrier des tractopelles d'illusions à retrouver. Raviver une lueur d'espoir à laquelle on s'accroche comme à la poignée d'herbe qui nous suspend à la falaise.

Les influences sont pourtant là, prégnantes et avouées comme les Pixies, le Wu-Tang, Lou Reed, ou fantomatiques : on ne peut s'empêcher d'entendre là l'écho, c'est le mot, d'une formation de jeunes révoltés qui ne disait pas son nom, The Feelies. Fauve, c'est The Boy with the Perpetual Nervousness au carré.

De la neige en été

Et puis il y a la scène française : du Dominique A séminal, froid comme une lame dans le vent glacé, à un Arnaud Fleurent-Didier tabassé, en passant, forcément, par Diabologum. Comment ne pas voir chez ces jeunes gens qui interpellent le blizzard les héritiers des Toulousains, qui clamaient dans un vacarme de fin du monde «On n'a pas tous les jours de la neige en été» ? Là où Programme, émanation écorchée de Diabologum, avait «le cerveau dans la bouche», Fauve a le cœur sur la main, mais sanglant et encore battant, et serre le poing dessus.

On pressent que la chose ne durera pas plus de six mois, peut-être un an, le temps d'un album et puis marre. Que Fauve ne sera qu'une éruption, une réaction allergique qui s'en ira comme elle n'est pas venue : sans crier gare, grand amour parti acheter des cigarettes. Il est une question existentielle qu'il est parfois bon de se poser : les noix de coco font-elles du bruit lorsqu'elles tombent sur une île déserte ? Quand il n'y aura plus personne pour les écouter, que tout le monde sera parti, quelque chose demeurera de Fauve, qui continuera de rugir «Tu nous entends, le blizzard ? Tu nous entends ?». Et dans le blizzard justement, on les entendra crier et ça nous réchauffera. Peut-être.


Fauve
Au fil, jeudi 30 mai à 20h30

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