Juin au féminin pluriel

Lors du dernier festival de Cannes, la question revenait périodiquement sur le tapis : il n’y aurait pas assez de films réalisés par des femmes dans les différentes sélections. Ce à quoi Thierry Frémaux répond, stoïque, que le problème mérite d’être posé à une échelle plus large que celle du simple festival  Il se trouve qu’en ce mois de juin, trois films font l’événement, tous trois avec un regard féminin derrière leur caméra.

On commencera par le moins bon d’entre eux, à savoir le très décevant The Bling ring de Sofia Coppola (12 juin). On avait jusqu’ici suivi la réalisatrice avec beaucoup d’enthousiasme (même pour le très décrié Somewhere) ; cela devient difficile, tant cette transposition d’un fait-divers glané dans Vanity Fair manque cruellement de point de vue. Coppola suit à la trace un gang d’adolescents plutôt aisés qui décident, comme on valide un statut Facebook, de cambrioler les villas des stars qu’ils adulent. Le film est construit sur cette répétition-là (une villa, une fête dans un club, un lendemain gueule de bois) sans jamais en tirer autre chose qu’une pâle leçon de morale sur l’air de «la jeunesse fout le camp» et «c’est la faute à Internet». Plus grave, Coppola peine à lui donner une forme, sinon lors de quelques éclats qui portent surtout la marque de son regretté chef opérateur Harris Savides.

Amours irradiants

Plus intéressant, quoique imparfait, Les Beaux jours de Marion Vernoux (19 juin) marque son retour au cinéma après une longue incartade télé. On est heureux de voir que son style n’en a pas souffert, et qu’elle s’offre ici une variation sur un thème qui hante son œuvre : la nécessité de dérober du temps libre pour pouvoir vivre pleinement une histoire d’amour. C’est parce qu’elle se retrouve prématurément à la retraite que Caroline (Fanny Ardant, pôle d’attraction formidable du film) va se laisser aller entre les bras d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle (Laurent Lafitte), délaissant son mari dentiste (Patrick Chesnais). Dans le registre très à la mode du film pour seniors, Vernoux offre sans doute ce qu’il y a de mieux, même si ce qui fait la qualité du film — des dialogues parfaits, des comédiens excellents — vient parfois pointer ses limites — un scénario omniprésent et des personnages grossièrement définis.

Grand Central n’est que le deuxième film de Rebecca Zlotowski mais il marque déjà un grand pas en avant après le prometteur Belle épine. Ce n’est pas parfait là encore, puisque le mélange entre un triangle amoureux et une peinture documentée sur le travail des ouvriers du nucléaire ne prend jamais complètement à l’écran. Plus exactement, autant l’observation de cette communauté masculine risquant sa vie au contact des radiations séduit par sa tension et le jeu sur les codes du thriller ou du film d’horreur, autant la romance est bancale, jamais vraiment motivée par le scénario. Mais Zlotowski témoigne d’une maîtrise de la mise en scène qui pourrait la placer bientôt au cœur du cinéma français… C’est d’ailleurs ce pari sur l’avenir qu’a voulu souligner Le Méliès en présentant Grand central en avant-première, suivi de la reprise de Belle épine, le 26 juin à 20h, à l'occasion du lancement de ses trente ans, anniversaire sur lequel on reviendra longuement à la rentrée.