Blufunk is back !

Keziah Jones

Le FIL

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

A quarante-cinq ans, le roi du Blufunk fait son grand retour sur le devant de la scène mondiale avec un nouvel album, Captain Rugged, et une tournée qui passera par Saint-Étienne le 21 décembre au FIL. Virtuose de la guitare électrique, il fusionne à sa sauce différentes influences musicales accouchant d’un son singulier et d’une énergie hors norme qui prennent toute leur dimension en live. Niko Rodamel

Nigérian d’origine aujourd’hui New-Yorkais d’adoption, Keziah Jones c’est tout d’abord un parcours atypique, chaotique même, qui se transformera pourtant en un vrai conte de fée. Lorsqu’il vient au monde au Nigeria à l’automne 1968, Olufemi Sanyaolu (pour l’état civil) ne se prédestinait pas à la carrière artistique qu’on lui connaît depuis. Tournant le dos à la famine et aux guerres civiles qui gangrènent le continent africain, son père, un industriel nigérian, l’envoie parfaire son éducation en Angleterre dès sa huitième année. De sa Lagos natale aux rues de Londres, le gamin devra alors franchir un immense fossé culturel, l’incitant sans doute à se tourner vers un mode d’expression plus personnel et indéniablement salutaire. Il débute l’apprentissage du piano à treize ans mais délaisse très rapidement les touches bicolores des claviers pour se tourner vers la guitare. Loin des priorités paternelles, les préoccupations du jeune Africain déraciné deviennent inévitablement artistiques, écrivant en pleine adolescence ses premières chansons, à plus de cinq mille kilomètres de sa famille. Il quittera vite les bancs du collège, préférant jouer dans la rue et les pubs londoniens, menant une vie de bohème à mille lieues du long fleuve tranquille dont rêvait pour lui son géniteur.

De cette époque, Keziah Jones garde un souvenir ému, prenant conscience qu’elle a été probablement pour lui une étape fondatrice. «Quand mon père m'a envoyé en Europe, je n’avais même pas encore dix ans. Je me suis retrouvé être le seul noir de l’école et je ne parlais alors pas un seul mot d’anglais. J’ai appris à gérer la différence et la solitude. J’ai voulu faire de la musique pour gagner mon indépendance en espérant que cela me permettrait aussi de parcourir le reste du monde. Je crois que c’est depuis cette époque que je me sens curieux de tout. Je suis toujours près à découvrir de nouvelles choses, d’où que ça vienne, c’est pour moi plutôt naturel et toujours enrichissant d’accepter ce qu’à priori je ne connais pas. Pendant mon adolescence, j’ai beaucoup écouté, beaucoup observé avant de jouer ma propre musique.» L’artiste revient sur la place qu’a finalement toujours tenue son père. «Je garde une profonde admiration pour mon père, parce qu'il a su construire quelque chose en partant de rien. On me demande souvent quels sont mes maîtres ou mes pères spirituels en matière de musique. Je me rends compte que j'admire avant tout des musiciens qui ont créé leur propre univers en partant de rien. Je citerais bien sûr Jimi Hendrix pour sa musique, mais surtout Fela Kuti parce qu’il avait en plus une personnalité politique et morale exemplaires. Il y aurait aussi des monuments comme Miles Davis ou John Coltrane. Je suis fan de Coltrane ! C’était un homme libre et en même temps très introspectif. Je suis un peu comme ça, plutôt rêveur dans l’intimité, j’aime écrire de la poésie et même peindre. Mais je reconnais être franchement extraverti voire très séducteur en public ! Parce que c’est sur scène que ça se passe vraiment. Si je prends plusieurs années entre chaque album pour voyager, écrire et composer avant d’enregistrer, c’est certain que je suis davantage un musicien live qu’un rat de studio.»

Sous les pavés, la plage

Nous voilà au début des années 90. Keziah Jones commence à faire parler de lui et de son style unique, entre Londres et Paris. Et ce sera donc finalement dans les galeries RATP du sous-sol parisien qu’il sera repéré en 1991 par un producteur. Pur hasard, destin ou conte de fée, peu importe, la carrière du guitariste-chanteur sera lancée sur les chapeaux de roues en quelques mois : Blufunk is a fact ! sort dans la foulée et connaîtra un réel succès international (vendu à 300 000 exemplaires) avec des titres qui ont posé les jalons du style Keziah Jones, reconnaissable entre mille dès les premières mesures. Six albums plus tard, l’artiste évoque toujours avec plaisir son lien avec la France et en particulier avec la capitale. «Je me sens toujours très attaché à Paris. Il reste encore un frisson spécial quand je joue là-bas, j’ai l’impression que le public se souvient de mes débuts, de l’énergie qu’il fallait déployer pour accrocher les gens qui prenaient le métro sans lever la tête. Mais plus ça allait, plus les gens s’arrêtaient et écoutaient ma musique avec le sourire. Pas mal de temps est passé, mais quand je joue dans une salle parisienne je me sens boosté par une pression supplémentaire, il faut que je joue le mieux possible ! Mais c’est valable pour toute la France, je suis bien accueilli partout, les Français aiment la musique live et c’est très bien comme ça.»

Joli clin d’œil en guise d’hommage, Keziah Jones était d’ailleurs retourné dans les galeries du métro en 2008 pour lancer la tournée qui accompagnait son précédent album. «Nous avions organisé quatre concerts très différents et j’avais choisi pour m’accompagner des musiciens qui jouent encore dans le métro. Que ce soient des joueurs de blues, de soul ou même de reggae, tous ces musiciens ont du talent, qu’ils soient sélectionnés par la RATP ou qu’ils soient chassés par les flics !» Pour son tout nouvel album, Captain Rugged, Keziah Jones parcourt actuellement l’hexagone pour une tournée d’une vingtaine de dates en France, qui s’achèvera à Saint-Etienne le 21 décembre, au FIL.
 
Keziah Jones (+ 1ère partie Archie Sylvester), au FIL de Saint-Etienne, samedi 21 décembre dès 20h30

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