Avril sur le fil

Pas son genre
De Lucas Belvaux (Fr, 1h51) avec Emilie Dequenne, Loïc Corbery...

Lutte des classes amoureuse chez Belvaux, terrorisme écolo chez Reichardt, air du temps doux amer chez Salvadori : en avril, les films prennent la température, frisquette, du monde contemporain. Christophe Chabert

Un philosophe parisien peut-il tomber amoureux d’une coiffeuse d’Arras ? C’est la question que pose Pas son genre (30 avril), le nouveau film de Lucas Belvaux. En apparence, ce mélodrame sentimental semble assez éloigné des préoccupations du très politique cinéaste belge… Pourtant, il ne fait que déporter avec habileté sa réflexion sur la lutte des classes dans un récit plein de chausse-trappes, où Belvaux doit d’abord en passer par les clichés pour les faire ensuite se craqueler de l’intérieur grâce à la vérité insufflée par les acteurs aux personnages. Si Loïc Corbery incarne avec justesse le philosophe, dans le doute par nature autant que par culture, c’est bien Émilie Dequenne qui irradie littéralement l’écran. Charmante à défaut d’être belle — c’est elle qui le dit — intelligente à défaut d’être intellectuelle, elle compose une coiffeuse attachante, magnifiée lors d’impeccables séquences de karaoké. Comme si Demy rencontrait Desplechin dans un flirt plein d’étincelles érotiques et politiques, Pas son genre s’impose comme une très pertinente relecture sociale du boy meets girl hexagonal.

Fissures

En suivant pas à pas la préparation, puis le passage à l’acte, d’un trio de terroristes écolos décidés à faire sauter un barrage, Kelly Reichardt réussit avec Night moves (23 avril) un thriller au ralenti fascinant. Proche de certains Gus Van Sant, le film, magistralement mis en scène, happe littéralement le spectateur à l’intérieur de ses images en le propulsant dans un présent fourmillant de détails tactiles et sensoriels, avant de l’obliger à relire toute l’action du point de vue des personnages et de leurs rapports ambigus. Ambiguïté que porte génialement Jesse Eisenberg, définitivement l’acteur 2.0, dont la froideur extérieure ne cesse de révéler de passionnants tourments intérieurs.

Après deux films où il courrait après le fantôme d’Ernst Lubitsch, Pierre Salvadori revient avec Dans la cour (23 avril) à ses fondamentaux : la chronique douce-amère de quelques personnages sur la pente glissante de la dépression. En l’occurrence, un gardien d’immeuble toxico (Gustave Kervern, formidable) et une bourgeoise de gauche obsédée par les fissures dans son appartement. Catherine Deneuve a accepté avec panache de réinventer en version comique son personnage de Répulsion, et cela en dit long sur l’ambition de Salvadori : derrière cette galerie fantaisiste qui s’ébroue dans la cour, sourd une inquiétude qui va progressivement envahir l’écran, le film osant la rupture radicale de ton dans une dernière partie imprévisible qui vous tirera quelques larmes.

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