The Rover

The Rover
De David Michôd (ÉU-Aus, 1h42) avec Guy Pearce, Robert Pattinson...

Après Animal kingdom, David Michôd pratique un étonnant hara-kiri commercial avec ce film post-apocalyptique qui tient autant de Beckett que de Mad Max, c’est-à-dire une véritable provocation au divertissement-roi. Christophe Chabert

The Rover, c’est Mad Max rencontre En attendant Godot. Rien que ça. Dès le carton pré-générique, on nous annonce que l’action se déroule en Australie quelques années «après la chute». La chute de quoi ? Du pays ? Du monde ? De l’économie ? Peu importe, car ce futur est saisi au présent, dans toute sa désolation, avec paysages arides et personnages hagards dont les motivations paraissent dérisoires. C’est le cas d’Eric, vagabond errant dans une bagnole qu’il a le malheur de se faire piquer par une bande de gangsters hallucinés, ayant laissé pour mort un des leurs, Rey, après un braquage qui a mal tourné.

L’impassible Eric (sobre et étonnante composition de la part de l’ordinairement cabotin Guy Pearce) va donc former un tandem improbable avec Rey (Robert Pattinson, excellent, dont la carrière post-Twilight prend un virage passionnant), soit un homme froidement brutal et un autre à moitié idiot et à moitié crevé, qui vont passer une heure quarante à arpenter les routes australiennes pour retrouver une voiture.

Post-cinéma

Si Animal kingdom, son remarquable premier film, avait inscrit David Michôd dans la catégorie des cinéastes avides de revisiter le cinéma de genre, The Rover est beaucoup plus complexe à classifier. Les films post-apocalyptiques n’ont pas manqué ces dernières années sur les écrans, mais ce qui intéresse le cinéaste dans cette catégorie, c’est finalement plus le «post» que «l’apocalyptique». Tout, dans The Rover, relève de l’après, au sens où la tragédie est derrière les personnages, désormais rendus à l’absurdité d’une existence qui joue d’encombrantes prolongations.

On ne dialogue pas dans The Rover, on croise des monologues ; on n’agit pas, on réagit selon un pur instinct de survie ; et on ne fait pas de sentiments, on tue tout ce qui remue dans le mauvais sens, sans sommation et sans état d’âme, y compris lorsqu’il s’agit de liquider son propre frère. Même la musique du film est post — rock, signée Tortoise — comme si Michôd tentait d’envoyer son œuvre par-delà le cinéma actuel, ses modes et son économie. Il n’est pas impossible d’ailleurs que cela soit la conclusion politique du film : lors d’un des nombreux moments de suspension de leur étrange voyage, Eric et Rey regardent passer un train à un passage à niveau ; la locomotive est australienne, mais tous les wagons sont chinois, comme si l’avenir du divertissement se passait là-bas, et que le cinéma d’ici ne pouvait plus que contempler le vide d’un passé révolu. Ouch !

The Rover
De David Michôd (Australie, 1h42) avec Guy Pearce, Robert Pattinson…

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