The Voices

Marjane Satrapi s’exile aux États-Unis pour s’approprier une commande de film d’horreur à petit budget qu’elle transforme en comédie sanglante et cinglante à l’esprit très 80’s. Sympathique même si l’affaire peine à tenir la longueur. Christophe Chabert

Il faut imaginer ce que The Voices aurait pu être si Marjane Satrapi ne s’en était emparé pour lui faire subir une torsion toute personnelle : un de ces films d’horreur pour ados comme il s’en produit à la pelle, où l’esprit de sérieux n’est qu’une façade pour masquer le cynisme mercantile.

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Le film raconte comment un schizophrène tout juste sorti de l’asile, suivi de près par sa psychiatre et tenu en laisse par une puissante camisole chimique, finit par craquer son vernis de ravi de la crèche et retomber dans ses pulsions homicides. D’entrée, Satrapi repeint son univers aux couleurs irréelles d’un arc-en-ciel de bonheur, quand bien même celui-ci napperait un paysage d’usines et de banlieues branlantes ; l’effet Prozac contamine une mise en scène qui choisit l’option humour noir et transforme le minet Ryan Reynolds en une parodie de lui-même, sourire extatique figé perpétuellement sur son visage de puceau imberbe.

Lorsqu’il rentre chez lui après une journée à bosser et à tenter de séduire la belle secrétaire de son entreprise — Gemma Arterton, parfaite incarnation du charme canaille de la girl next door british — plutôt que de nourrir son chat et son chien, il se met à leur parler ; et ceux-ci de lui répondre, le félin dans le rôle du ça, le toutou dans celui du surmoi. Cette matérialisation animalière fantasque des tourments intérieurs est le plus produit amené par Satrapi à The Voices, et souligne l’horizon évident de l’œuvre : un retour aux comédies sanglantes et subversives des années 80, celles d’un Sam Raimi ou d’un Joe Dante.

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La vie en Prozac

La subversion, Satrapi la fait apparaître lorsque, brièvement, elle débarrasse le décor de ses faux-semblants liés à l’absorption massive d’anti-dépresseurs : un monde gris, déshumanisé et déprimant. C’est aussi à cet instant que The Voices perd son élan : une fois la farce politique dévoilée au grand jour, ne reste plus que la surenchère dans le gore rigolard, les situations macabres et l’esprit pop-corn d’un midnight movie un peu trop conscient de sa visée.

Plus le film nous demande de nous amuser, moins on a envie de lui accorder cette faveur. C’est particulièrement le cas de ce générique chanté qui, dans l’absolu, pourrait passer pour une réplique de la scie Everything Is Awesome dans La Grande Aventure Lego — autre critique sociale ripolinée pertinente quoiqu’inaboutie ; on sent alors la tentation d’un film culte autoproclamé, tentation à laquelle The Voices ne résiste pas toujours.

The Voices
De Marjane Satrapi (ÉU, 1h43) avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Jackie Weaver, Anna Kendrick…

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