En composant «Die Zauberflöte» au printemps 1791, Wolfgang, dont la longévité n'excèdera pas six mois, semble plus préoccupé par la santé de Constance, son épouse enceinte, partie prendre «les eaux» à Baden. Et pourtant, décrire «La Flûte Enchantée» comme le pinacle de son œuvre serait un lieu commun ou une dérisoire litote ! Genèse d'un chef d'œuvre. Alain Koenig
Génial trublion de la musique, agitateur d'harmonie, créateur transcendant et intemporel, que dire de cet homme qui, avec Bach, ne se laisse pas incarcérer dans nos geôles lexicales ? La biographie de ces deux génies fondateurs laisse toujours perplexe, tant l'absence de corrélation entre leurs vies terrestres et l'infini de leur héritage paraît troublante. Peut-être faut-il retourner quelque pierre, pour accéder à un tracé biographique de Mozart plus satisfaisant pour l'esprit, en cette fin de siècle traumatisé par la Révolution Française. Son grand mécène, l'empereur Joseph II vient de mourir, et c'est Léopold II, frère de la future décapitée Marie-Antoinette qui lui succède. Sans intérêt particulier pour les arts, tenant pour responsable du cruel destin de sa sœur, l'idéal maçonnique du Siècle des Lumières, Léopold augure de funestes lendemains pour Mozart. Aussi n'est-il pas surprenant que ce dernier s'allie à son ami majuscule, Schikaneder, directeur du Theater auf der Wieden et dont il fréquentait assidûment la troupe, pour écrire un quatre mains, inspiré du recueil de contes de Wieland, La Flûte Enchantée.
Et de sagesse
Composant dans une cabane dans le jardin de Schikaneder, loin de la solitude de son appartement déserté par Constance, ce contexte informel permet à Mozart de donner le meilleur de lui-même. Pourtant, c'est surtout son génie musical qui rendra cette pièce l'une des plus connues et des plus jouées dans le monde. Dans une superbe mise en scène de Pet Halmen, revisitée par Eric Vigié, et sous la baguette inspirée et inspirante de David Reiland, La Flûte Enchantée compte parmi ces immenses classiques pour lesquels aucune connaissance préalable n'est nécessaire. Si ! Peut-être, retrouver son âme d'enfant, premier public ciblé par l'œuvre. Une distribution de très haute tenue permettra de faire pressentir les degrés de lecture plus philosophiques et symboliques de l'œuvre : le magnifique ténor finlandais, Jussi Myllys campe le héros Tamino, Chiara Skerath au pur soprano lyrique est sa muse, tandis que l'impressionnante basse Richard Wiegold, rétablira les vérités altérées par la Reine de la Nuit, son monde de la ruse et de l'apparence.
La Flûte Enchantée
à l' Opéra-Théâtre de Saint-Étienne, du 24 au 28 avril 2015.