Ghislaine Ducerf : «Enchanter notre public»

Surplombant la scène du Théâtre Libre, un atelier de 300m², abritant près de dix mille costumes et accessoires de toutes époques, enrichit depuis 1999 pièces de théâtre, films et spectacles. Pour ce deuxième portrait de l'"Envers du décor" des métiers du spectacle, rencontre avec la chef costumière et créatrice de ce lieu unique, Ghislaine Ducerf. Propos recueillis par Marlène Thomas.

Quel parcours professionnel avez-vous suivi ?
Ghislaine Ducerf :
J’ai un parcours d’autodidacte qui a commencé en 1979 à Paris. C’est par le fait d'un pur hasard que j’ai rencontré le costume. J’étais très attirée par l’art théâtral et par chance, j’ai intégré l'équipe d'un théâtre en tant que costumière. Depuis, je n’ai jamais arrêté. Je vivais dans un milieu qui ne me prédestinait pas à connaître ce monde-là. J’ai eu la chance de rencontrer Jean Dasté lorsque j’étais jeune fille, cela a été un émerveillement absolu. En 1998, avec Maurice Galland, nous avons créé le Théâtre Libre pour redonner ce que nous avons nous-mêmes reçu, avec la même exigence. Avant cela, nous étions à Paris où je travaillais ponctuellement pour des créations, aussi bien pour Aix-en-Provence, que pour l’Opéra ou des théâtres parisiens comme celui du Campagnol. En 1999, j’ai fondé cet atelier permanent avec le Théâtre Libre. Trois personnes travaillent avec moi, dont deux à temps plein.

Quelles sont vos différentes missions ? Avec qui travaillez-vous ?
Mon travail principal est de me mettre à la disposition d’un metteur en scène et de réaliser les costumes de son projet. Cela dit étant donné qu'il y a de moins en moins de moyens dans la culture, nous avons élargi notre travail en faisant des expositions. Actuellement, nous exposons à Pommiers-en-Forez et à la Bâtie d’Urfé. Nous organisons en octobre, un défilé autour de la réalisation de costumes pour la vie quotidienne, La Boutique des modes. Différentes maisons de théâtre, d'opéra, de danse ainsi que la télévision et le cinéma font appel à nos services. Dans le cinéma, j’ai collaboré avec Jean-Claude Penchenat, Alfredo Arias, Yannick Bellon... En ce qui concerne la danse, je suis actuellement en relation avec les Ballets Hallet Eghayan de Lyon. Dans nos 300 m², nous comptons environ dix mille pièces de costumes et accessoires. Ces derniers couvrent toutes les époques, nous sommes capables de répondre à toutes les demandes. En ce qui concerne les costumes authentiques, les pièces disponibles ont été réalisées à partir du XIXe. Un projet qui me tient à coeur est la réalisation des fiches de chaque costume. Chacun d’entre eux a une histoire. Deux cents ont déjà été réalisées avec la photo du costume, son origine, le donneur, l’époque, etc. C’est une vraie mémoire mais, cela prend énormément de temps. Nous espérons, l’an prochain, pouvoir mettre une équipe sur cet inventaire.

Où trouvez-vous vos costumes d’époques ?
Certains ont été dénichés dans des brocantes, beaucoup m’ont aussi été donnés par des compagnies, des connaissances, des mécènes... Ce Théâtre Libre est emprunt de dons, de collaborations de ces personnes nous permettant de réagir assez vite aux diverses commandes, sans avoir le souci de l’engagement financier. Nous avons aussi une part d’achats mais depuis quelques années nous levons le pied afin de rétablir un équilibre financier. Ainsi, nous essayons de faire le plus possible avec ce que nous avons dans nos murs. Un autre enjeu demeure le maintien en l'état de notre fonds. Cela passe par un travail de restauration que nous gérons en interne également. C’est pour cela que nous avons de nombreux tissus, fils ou dentelles. Tout est réalisé dans le plus grand respect du costume. Certaines pièces restent trop fragiles pour le jeu théâtral, nous les réutilisons donc dans des expositions ou en tant que modèles.

Comment se déroule la création d’un costume ?
C’est à chaque fois une aventure particulière, cela dépend de l’interlocuteur, du moment, des moyens. Ma première mission est d’écouter le projet du metteur en scène et de faire résonner en moi des références que je lui renverrai. Si j’ai son approbation sur mon ressenti et à partir du moment où je connais les silhouettes des comédiens, je peux commencer à réaliser des croquis. Cette première proposition nous permet d’entreprendre l’échantillonnage, c’est-à-dire de trouver les tissus, les matériaux, les couleurs et les soumettre. Ensuite, la réalisation se fera à partir des mensurations du comédien. Nous pouvons commencer à travailler sur une toile qui nous donne les lignes, puis, une fois que ce projet est défini, nous faisons les découpes dans le tissus réel. Le dessin est vraiment le point de départ de la réalisation qui s’enrichira de tout ce que nous allons partager dès le début du processus de création. Il y a ensuite une phase d’essayages, de retouches pour que le comédien soit parfaitement à l’aise dans son costume et que le metteur en scène soit satisfait. Le but est d’enchanter notre public.

Avez-vous des projets ?
Nous gardons des projets tout en étant très incertains de ce que nous réserve l'avenir. Concernant l’atelier, nous avons le projet de "Boutique des modes" où nous nous servirons de nos connaissances sur l’histoire du costume pour retracer des lignes modernes. Des créations vont également être réalisées pour Maurice Galland ainsi que pour Michel Hallet Eghayan. D’autres expositions devraient aussi voir le jour en parallèle d’une plus grande ouverture au cinéma permettant de pérenniser ce lieu. Nous souhaitons aussi continuer d’accueillir des étudiants en formation et réitérer le stage "En quête d’histoire" que nous avions organisé en collaboration avec Béatrice Vermande.

Atelier de costumes du Théâtre Libre, 48, rue Désiré Claude à Saint-Etienne

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