Été indien, dernières poussées de sève ? L'automne qui se profile s'annonce des plus chauds dans les salles. Excitant... Vincent Raymond
En septembre, on se repose ou se console de ne plus être en vacances. Aucun blockbuster ne venant dynamiter les écrans dans l'immédiat (ce genre de fanfreluche commencera à pointer son museau au moment où l'on sortira les écharpes des placards), pléthore de films « du milieu » en profitent pour jouer des coudes. Ou plutôt jeter des regards lascifs au public. C'est Youth de Sorrentino qui émoustillera en premier le spectateur (09/09). Les corps de rêve de Michael Caine et Harvey Keitel, profitant nus des bienfaits du thermalisme de luxe dans un hôtel des Alpes, ne sont pas les arguments premiers de ce film — qui n'hésite cependant pas à recourir à la plastique de Mădălina Ghenea, miss Univers adepte des bains en tenue d'Ève. Hantée par la dégénérescence, l'inexorable approche de la mort et les deuils inconsolables, cette méditation sur la vie et l'art (Caine interprète un compositeur et Keitel un cinéaste) est trouée de flashes poétiques mais s'effondre, hélas, dans un final grandiloquent, qui résonne comme une trahison des personnages — et ressemble à un caprice de metteur en scène.
Ceci est mon corps
Beaucoup plus intéressant, le très subversif Fou d'amour tourné par Philippe Ramos à Champagne-en-Valromey dans l'Ain. Melvil Poupaud y endosse la soutane d'un curé de campagne exalté, dévoué corps et âme à ses paroissiennes... au point de multiplier les relations avec ses ouailles, des plus respectables (la châtelaine, sulfureuse Dominique Blanc) aux plus modestes (une jeune aveugle, parfaite Diane Rouxel). En suborneur des champs, se servant du verbe, des Écritures et de son autorité d'ecclésiastique pour « convertir » ses proies, Poupaud se montre remarquable. Ridiculisant en sous-main l'hypocrisie du discours religieux comme la hiérarchie de l'Église (qui ferme les yeux quand ça l'arrange...) ; plaçant çà et là quelques pépites surréalistes du plus bel effet, Ramos s'inscrit dans la très rare (et enviable) succession d'un Buñuel, dont il partage l'efficacité concise, l'humour sobre et le mordant. Le film du mois (16/09). Le même jour sur les écrans, une œuvre précédée d'un capiteux parfum de scandale : Much Loved, Nabil Ayouch suit dans cette fiction (qui a fait l'objet d'une lourde mesure de censure dans son pays d'origine) un trio de prostituées marocaines emmené par la ravissante Noha. Trois femmes — bientôt quatre — qui tirent le diable (c'est-à-dire, les hommes) par la queue pour tenter de subsister. Escortées par Saïd le taximan, errant de soirées en bars à la recherche de types fortunés, si possible pas violents, ces amazones parlent cru, n'ont pas froid aux yeux et conservent, malgré la rudesse du pays et l'ostracisme (quand il ne s'agit pas de mépris) dont elles sont victimes, une générosité touchante pour les plus malheureux qu'elles. À noter que Le Méliès Saint-François organise une avant-première exceptionnelle du film en présence de l'interprète de Noha, Loubna Abidar (mercredi 03/09 à 20h30). Un dernier coup de chapeau pour L'Odeur de la mandarine, quatrième et meilleur film de Gilles Legrand à ce jour, où un châtelain amputé sur le front en 1914 (Olivier Gourmet), réapprend à vivre dans les bras d'une infirmière (Georgia Scalliet), elle-même endeuillée. Sensible et sensuel (30/09).