Décembre : le mois des films hottes

Mia Madre
De Nanni Moretti (It-Fr, 1h47) avec Margherita Buy, John Turturro

Fêtes de fin d’année, trêve des confiseurs, solstice d’hiver, mauvais temps… Tout, en décembre, nous incite à nous réfugier dans les salles de cinéma. Seulement attention ! Certains films sont pareils aux paquets-cadeaux sous le sapin : l’emballage ne présage en rien de la qualité du contenu… Vincent Raymond

Quel est l’autre film que vous avez prévu d’aller voir au cinéma en décembre ? Car, cette année, il sera difficile de faire l’impasse sur Star Wars Épisode VII : Le Réveil de la Force (16/12) de JJ Abrams. Il constitue un passage (presque) obligé pour les spectateurs : si l’on ôte les aficionados de la saga, les fans de Abrams, ceux qui ne voudront manquer un phénomène de société et les accompagnateurs, il ne reste plus grand monde. Et comme la France le sortira deux jours avant le reste du monde, nos salles accueilleront un public venu parfois de fort loin — enfin, pas de Tatooine, quand même. Heureusement, le mois compte 5 mercredis et donc une foule d’alternatives…

« Fallait pas »

Qui n’a jamais remercié par politesse, en pestant intérieurement, l’auteur d’un présent déplacé — du style cravate à motifs hideux offerte à un militant du T-shirt ? Faut-il, au nom de l’esprit de Noël se montrer pareillement indulgent avec les réalisateurs qui nous gratifient, entre la dinde et la bûche, de films totalement dispensables ? En toute bienveillance, l’on répond par la négative. Surtout après avoir vu le nouveau Lelouch, Un + une (09/12), désolante auto-caricature par le vétéran à la caméra virevoltante. Se félicitant de ne savoir faire que « des films de Lelouch » (c’est-à-dire mettant en scène un homme et une femme succombant à une passion réciproque alors que rien ne laissait présager la naissance d’une idylle entre eux) l’auteur ici tente d’insuffler de l’exotisme à son scénario, à défaut d’originalité, en le tournant en Inde. Mais cette délocalisation est inopérante : elle semble avoir l’unique vocation d’offrir un cadre bariolé et folklorique aux interminables palabres d’Elsa Zylberstein et de Jean Dujardin, enchaînant les aphorismes philosophico-romantiques sous le ruissellement permanent du piano-bar de Francis Lai. On se demande qui, du compositeur en roue libre ou des comédiens se regardant jouer à faire de l’impro dirigée, est le plus gênant…

Autre encombrant au pied du sapin, Le Goût des merveilles (16/12), ou la très pataude tentative d’Éric Besnard d’inclure un personnage atteint du syndrome d’Asperger dans une "belle histoire" en pays drômois. Une entreprise bien naïve, où l’idée de la synesthésie est mal exploitée, et la relation à nature — le lien quasi-organique, même — réduite à un chromo surligné de musique. On est très loin du lyrisme mystique de Terrence Malick et même à bonne distance de Rain Man (1989) — qui demeure encore la moins pire évocation d’Asperger identifiée par le grand public.

« Merci pour le chocolat »

Terminons par les surprises qui font plaisir : Nanni Moretti nous offre avec Mia Madre (02/12) un triple portrait de femmes : celui d’une réalisatrice en plein marasme personnel et professionnel, dont la mère se meurt peu à peu, et dont la fille s’affranchit doucement. Porté par la grande Margherita Buy — étrangement peu connue en France, alors qu’elle figure parmi les plus récompensées des actrices italiennes — confrontée à un Turturro horripilant, ce film est tout autant une méditation mélancolique sur l’acceptation de l’inéluctable, qu’une réflexion sur la transmission, ponctué par les discrètes apparitions de Moretti (beaucoup trop présent sur l’affiche, eu égard à son rôle). Pas idéal pour se préparer à guincher avant le réveillon, mais parfait pour avoir envie d’embrasser toute sa parentèle, chien inclus.

Restons sur les liens familiaux qui se retendent avec un film venant de nulle part (enfin, des États-Unis), Before I Disappear (02/12), version longue d’un court primé aux Oscars écrit, réalisé et interprété par Shawn Christensen, un talent à suivre. On y suit la nuit de galère d’un type dépressif forcé de remettre son suicide en cours à plus tard pour pouvoir s’occuper de sa nièce surdoué. Caustique et esthétique. Dans ce registre toujours très fécond des foyers en crise, Back Home (09/12), le nouveau Jonathan Trier (Oslo, 31 août) nous propose un kaléidoscope autour du fantôme d’une photographe de guerre campée par Isabelle Huppert, de son veuf (Gabriel Byrne) et de leurs enfants (Jesse Eisenberg, Devin Druid). Un résultat en demi-teinte. Mais beaucoup plus sage que Pauline s’arrache (23/12), curiosité documentaire hallucinante à la limite de l’impudeur (et du cinéma, d’ailleurs), tournée par Émilie Brisavoine sur sa demi-sœur, au sein d’une famille oscillant entre le baroque et le dysfonctionnel. Il n’est pas défendu de préférer le même jour un essai d’animation de Anca Damian, La Montagne magique, ou le destin extraordinaire d’Adam Jacek Winker, militant polonais devenu compagnon de route du commandant Massoud en Afghanistan. Une merveille graphique racontée par Miossec. Là, on peut parler d’un vrai beau cadeau…

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