Mélange de coups d'éclats, d'échecs cinglants, d'incessantes résurrections professionnelles et de drames personnels, la vie du fondateur d'Apple était de nature à inspirer les esprits romanesques — d'autant plus titillés par son culte maladif du secret et son art consommé d'une communication maîtrisée. Hollywood ne pouvait rester indifférent à cette poule aux œufs, ou plutôt aux pommes d'or.
Le petit écran fut le premier à s'intéresser au phénomène, avec Les Pirates de la Silicon Valley (1999) de Martyn Burke, tourné juste après le retour gagnant de Jobs aux manettes de la firme de Cupertino. Racontant sur un mode semi-drolatique l'émergence d'une nouvelle industrie, ce téléfilm se centre sur le portrait croisé des deux frères ennemis Bill Gates (Anthony Michael Hall) et Steve Jobs (Noah Wyle, le Dr Carter de la série Urgences). L'orignal apprécia tellement la performance qu'il invita Wyle à l'imiter à ses côtés, sur la scène de l'Apple Expo 2000.
Jobs eut aussi droit à de nombreuses parodies ; la plus fameuse sous les traits de Steve Mobbs, patron de Mapple en 2008 dans l'épisode Les Apprentis Sorciers de la série Les Simpsons. Justin Long, interprète des pubs Get a Mac proposera la sienne dans une “biographie humoristique“, iSteve (2013), de Ryan Perez.
Deus Ex Macintosh
Le décès de Jobs, au terme d'une maladie dont la progression, scrutée par le monde entier et mesurée à chacune de ses (plus en plus rares) apparitions, constitua une apothéose dramatique... et augmenta considérablement le désir de l'immortaliser. Premier à dégainer la caméra, alors que le corps était encore tiède, Joshua Michael Stern pour jOBS (2013). Dans le rôle-titre, Ashton Kutcher, un comédien habitué aux bluettes romantiques, dont l'intérêt pour les nouvelles technologies n'était cependant pas feint — il est célèbre pour avoir investi à titre personnel des millions de dollars dans plusieurs start-up telles que Skype, Foursquare, Airbnb, Path...—, désireux de rendre hommage à son démiurge préféré. D'une facture sage et classique, ce biopic lisse et plutôt hagiographique (en tout cas, peu embarrassant) visait la ressemblance plus que la vraisemblance. Moins orthodoxe, le film de Danny Boyle présente davantage de subtilité.
Reste un documentaire, Steve Jobs : The Man in the Machine (2015) de Alex Gibney, pour l'instant inédit et non daté en France. À la fois synthétique et critique — sans être une charge univoque —, foisonnant d'interviews, il s'agit pour l'heure de l'étude la plus approfondie du caractère si riche et paradoxal d'un entrepreneur qui se rêvait artiste, ascète. Sa conclusion élucide Jobs : « il avait la concentration d'un moine, mais pas l'empathie ; il nous a offert la liberté, à l'intérieur d'un jardin dont il conservait la clef » VR