Le Trésor

Touchant à tous les registres sans faire de tapage, Corneliu Porumboiu compose, film après film, une peinture méticuleuse de la société roumaine contemporaine, et s’impose comme le plus important cinéaste actuel de son pays. Nouvelle perle à sa filmographie, “Le Trésor” ne fait que le confirmer.

Qu’est-ce qu’un trésor ? À cette question, chacune et chacun possède au moins deux réponses. L’une sentimentale, se référant à un objet matériel ou immatériel dénué de toute valeur marchande ; l’autre, absolue, désignant un bien universellement reconnu comme précieux, source de richesse potentielle pour son détenteur. Il est rare dans notre monde matérialiste que les deux définitions se superposent ou que l’une parvienne à se substituer à l’autre, à moins que l’on ait conservé une âme innocente. C’est le cas de Corneliu Porumboiu, qui malgré sa lucidité d’adulte, sait encore décocher des regards en direction d’un naturel merveilleux. Avoir un tel sens de l’absurdité et faire preuve d’autant de poésie relève du prodige.

De l'ironie à la pelle

Chaque époque connaît sa quête du Graal, plus ou moins ludique, plus ou moins comique. Ce film en est une, qui renvoie à un temps et à un imaginaire révolus — celui des romans peuplés de pirates dissimulateurs, ou de ces contes que le héros Costi lit le soir à son fils. Seulement, en étant transposée de nos jours à l’échelle d’un jardin, l’aventure se trouve comme vidée de sa substance héroïque, de son éclat, d’une forme de danger et de mystère. La modernité et ses outils techniques rétrécissent la durée de la chasse (qui autrefois pouvait combler une vie entière) à un week-end ; quant au “trésor”, dont on ne dira pas en quoi il consiste, il se révèle aussi ironique pour ce pays ayant connu l’oppression d’une dictature “communiste” que la version de Life is Life par Laibach, choisie pour habiller le générique de fin.

Au-delà, Le Trésor montre qu’il n’est pas nécessaire de creuser très profond pour voir affleurer des vestiges de l’ancienne Roumanie : la rigueur procédurière des structures administratives d’État ; l’autorité paternaliste du supérieur hiérarchique et celle, plus abjecte, de celui qui s’estime supérieur parce qu’il paie… Une chose cependant demeure intacte, malgré les coups de pelle et de pioche de l’Histoire : la valeur de la parole — ce qui paraît toujours surprenant dans notre société volontiers cynique. Que l’on soit voisin arrogant, collègue de travail ou père de famille, les choses promises sont toujours tenues : la vraie richesse réside dans la puissance du verbe. VR

Le Trésor, de Corneliu Porumboiu (Fr./Rou., 1h29) avec Toma Cuzin, Adrian Purcărescu, Corneliu Cozmei… (sortie le 10/02)

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