Valérie Busseuil, la force tranquille

La Bourguignonne a une solide expérience des institutions culturelles et du monde économique. Après Strasbourg et ses théâtres municipaux, son nouveau challenge est de diriger la communication de la Cité du Design. Se révélera-t-elle être une main de fer dans un gant de velours ? Florence Barnola

Il est un exercice périlleux en journalisme : faire un portrait au téléphone. Mais il est aussi des défis que l’on aime relever…

Valérie Busseuil a été recrutée pour être la nouvelle directrice de la communication à la Cité du Design. C’est officiel depuis peu. La rumeur soufflait son nom depuis le début du printemps. Nous nous en sommes donc emparés.

A peine sortie de sa place de responsable de la communication et des relations publiques des théâtres à Strasbourg, la gente dame entre en fonction à la Cité en mai. Nous avons quinze jours pour la rencontrer. Problème : Valérie Busseuil travaille encore en Alsace jusqu’à la fin avril. C’est un peu loin. Dans ces cas-là, l’échange se déroule au téléphone ou par Skype. Ce sera le téléphone. Réactive, Valérie donne promptement un rendez-vous. Notons au passage qu’elle répond à ses appels sans les filtrer.

Ne pas rencontrer physiquement la personne, ne pas voir comment elle marche, s’habille, sourit, incline la tête, pose les mains ou le regard… est assez handicapant ne le cachons pas lorsque l’on veut portraitiser quelqu’un.

Prise de contact

Pour autant, la contrainte s’avère intéressante : ne se fier qu’à la voix. L’un des organes qui soulèvent le plus de fantasmes. A l’autre bout du combiné, vous imaginez votre interlocuteur(trice), sa couleur et longueur de cheveux, ses vêtements, comment il (elle) vous écoute, d’ailleurs vous écoute-t-il(elle) ?, se gratte-t-il(elle) les ongles ? le nez ? joue-t-il(elle) au Mahjong ? gribouille-t-il (elle) un post-it ?… Devenus aveugles, nous voilà concentrés sur un seul sens, l’ouïe, et notre imagination se débride comme le chat se roule langoureusement sur l’olive. L’intonation de la voix devient alors une lumière dans la nuit, une bouée à la mer.

Concernant Valérie, l’expérience est un peu faussée. Nous savons à quoi elle ressemble. La Cité du Design a révélé son visage dans le communiqué de presse annonçant son recrutement : « Nommée directrice de la communication de l’EPCC [ndlr : Établissement public de coopération culturelle] Cité du design-École supérieure d’art et design de Saint-Étienne, Valérie Busseuil aura pour mission de développer une stratégie de communication globale et cohérente pour l’ensemble des activités de l’établissement. »

Sur le bureau de l’ordinateur, une photo. Valérie a l’air décidé, décontracté, sourit… Elle respire tranquillement la force.

Nous entrons en relation téléphonique. Première impression, sa voix ne ressemble pas à ce qu’elle dégage a priori. On dirait un petit oiseau frêle. Son intonation chaleureuse et douce vous enveloppe. Il y a quelque chose de primesautier, d’espiègle et de bonhomme dans cette voix-là. Cette façon de traîner sur les fins de phrases rappelle quelqu’un, une comédienne : Catherine Frot.

Montchanin, 6 000 habitants

Valérie a cinquante ans. Elle est originaire de Montchanin, petite commune non loin du Creusot. « J’ai passé mon enfance en Saône-et-Loire, dans une région qui était en pleine effervescence et en même temps en pleine difficulté. C’était une région assez proche de la configuration de Saint-Étienne, avec beaucoup d’industries, un tissu de PME important. » Rappelons qu’elle est communicante de métier, Valérie. « C’est l’un des attraits de la Saône-et-Loire : à la fois il y a des pôles industriels et, à un saut de puce, nous sommes dans les vignes, les vallées, la Bresse, le Charolais… Tous ces paysages m’ont beaucoup imprégnée… être à la fois dans un milieu industriel, économique, et puis aussi dans le terroir. » Il n’y a pas de doute, elle sait communiquer et vendre une idée, Valérie.

Dans chaque expérience professionnelle ou de vie relatée, la future stéphanoise prend soin d’indiquer son appartenance au monde économique et son aspiration à la créativité. Par exemple, son père et son oncle dirigeaient une PME, elle a intégré un grand groupe juste après ses études, elle a également travaillé pour le Medef de Saône-et-Loire…

« Une puissance qu'elle ne dévoile qu'avec pudeur »

Valérie Busseuil confie que, dès l’enfance, la culture l’attirait : « Ma mère m’emmenait voir des spectacles à la scène nationale du Creusot ». Adolescente, la jeune fille se rêvait même championne de natation ou concertiste. « J’étais vraiment intéressée par tout ce qui relevait de l’art, cette ambiance de créativité. » C’est pour autant dans les années 90, que la carrière de Valérie s’oriente vers l’artistique, quand elle devient responsable de la communication à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône. « Je n’avais pas compris que l’on pouvait joindre l’utile à l’agréable, que la culture pouvait aussi être une sphère économique. » Mouais, on a du mal à la croire Valérie sur ce coup. « Cette structure était une régie municipale directe, conventionnée par la culture. Elle allait devenir une scène nationale et passer en EPCC. J’ai accompagné cette mutation-là par la communication, par le développement d’une réflexion sur les atouts, l’identité, la stratégie… » Ah, oui ? « Par ailleurs, j’étais en plein dans la partie créative, j’ai travaillé sur le montage des grandes expositions dont certaines avec des designers comme Andrée Putman, Sylvain Dubuisson…» Ne le nions pas, Valérie sait mettre en lien les choses. En même temps c’est pour ça qu’elle a été recrutée.

Il faut aussi lui reconnaître une vraie gentillesse, une patience d’ange. Elle restera une heure et demie au téléphone à se raconter, alors que ses cartons l’attendent, qu’elle n’a que quelques jours pour vider sa maison strasbourgeoise et emménager dans un appartement de l’hyper-centre stéphanois.

Pervers par nature journalistique, nous cherchons tout de même à découvrir des zones d’ombres chez elle. Son amie de longue date, Marylise, la définit comme « fidèle en amitié. Fidèle à ses convictions. Fidèle à ses choix. Fidèle tout court. Elle se distingue par une profondeur constante au service d'une puissance qu'elle ne dévoile qu'avec pudeur. Dont on ne comprend la densité qu'avec le temps. » On ne connaîtra pas les petites manies et faces cachées de Valérie mais les talents d’auteur de ses amies. Tant pis. À suivre ?

Florence Barnola

Valérie Busseuil en dates:

1965 : Naissance en Saône-et-Loire, à Montchanin

1987-1994 : assistante marketing, puis responsable communication, au sein de la direction générale d’une filiale d’Usinor Sacilor.

1994 : Naissance de son fils

Fin des années 90 : Elle travaille au Medef de Saône-et-Loire puis à l’Espace des Arts de Chalon/Saône

2002-2016 : Responsable de la communication des théâtres à la direction culturelle de la ville de Strasbourg et de l’Eurométropole

Mai 2016 : Prise de fonction comme directrice de la communication de l’EPCC Cité du Design-Ecole supérieure d’art et design de Saint-Étienne

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