Oum : « Je me contente de refléter ce que je suis »

Oum

Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne Métropole

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Avec son dernier album Zarabi - "Tapis" en arabe - enregistré en partie dans le désert, la chanteuse marocaine Oum tresse des fils soyeux et chatoyants entre rythmes jazzy, langueurs orientales et percussions africaines. Rencontre avec une artiste dont les poésies envoûtantes chantent le désir féminin et exaltent un hédonisme empreint de sagesse.

Vous incarnez l’image d’une femme arabo-musulmane libre, à la fois fière de sa culture et ouverte sur le monde. Avez-vous conscience du symbole que vous représentez dans le contexte actuel d’exacerbation des replis identitaires ?
Oum :
Oui, c’est une image que j’assume parfaitement, sans pour autant l’avoir préméditée. Je me contente de refléter ce que je suis, dans la diversité de mes composantes identitaires : mes racines sahraouis, mon ancrage africain, ma culture arabo-musulmane, ma francophilie et mes influences occidentales. Je suis consciente qu’en tissant une synthèse apaisée de ces identités, j’offre un autre visage de la femme marocaine et arabe, loin des représentations stéréotypées du voile et de la soumission. Je me donne pour mission de porter cette réalité-là aussi auprès des Marocains, afin de les réconcilier avec leurs identités plurielles, et peut-être modestement contribuer à forger d’autres modèles d’identification féminine.

Votre musique puise dans la soul, le jazz, les percussions africaines, la musique orientale et même le rythme afro-cubain, et pourtant le résultat de cet assemblage hétéroclite est d’une harmonieuse cohérence. Comment décririez-vous votre style?
J’ai longtemps buté sur cette question, ne sachant trop comment relier ma musique à une catégorie bien définie et m’excusant presque de cette "particularité". Aujourd’hui, j’ai trouvé une définition économe sans être réductrice : musique marocaine contemporaine.

Mon style a aussi évolué au fil de rencontres avec des musiciens virtuoses qui m’ont accompagnée lors de mon album précédent (Soul of Morocco) et ont fortement inspiré la gestation de Zarabi. Grâce au oud de Yacir Rami, j’ai redécouvert le répertoire arabo-andalous, la contrebasse de Damian Nueva m’a initiée à la musique cubaine, la trompette de Yelfris Valdes a désinhibé mon approche du jazz et les percussions de Rhani Krija ont sublimé mes compositions inspirées des rythmes gnawas de mon enfance à Marrakech.

« En tissant une synthèse apaisée de mes identités multiples, j’offre un autre visage de la femme marocaine et arabe »

Vous avez choisi de chanter en dialecte marocain, tout en optant pour un registre soutenu et un phrasé ciselé dans la poésie ancestrale des tribus bédouines, loin des refrains faciles de la musique pop maghrébine. Où avez-vous puisé vos influences ?
Écrire en arabe a été d’abord un défi avant de devenir une évidence. Cette langue si belle et lyrique mais truffée de tabous et de détours pour dire l’amour, le désir, l’érotisme… J’ai naturellement puisé dans la tradition "d’art oral" du peuple sahraoui et le célèbre théâtre de rue de la place Jemaa el-Fna, tout en distillant dans cette langue du quotidien des expressions joliment désuètes et des envolées poétiques.

J’ai surtout voulu composer un album qui me ressemble, où l’on retrouve aussi bien les sonorités des séries marocaines kitch des années 90 que les influences des groupes mythiques de la chanson protestataire des années 70, Nass El Ghiwan et Jil-Jilala, sans oublier l’inspiration de la grande chanteuse mauritanienne Dimi Mint Abba, surnommée "la diva du désert", et les grandes voix féminines du jazz comme la sud-africaine Miriam Makeba. D’ailleurs, mon prochain projet sera de revisiter le répertoire du jazz féminin des années 20 aux années 60 sur trois territoires différents : l’Afrique, l’Amérique du Nord et l’Amérique Latine pour le réinterpréter avec ma touche arabo-afro méditerranéenne.

Vos costumes de scène chamarrés fusionnent des folklores d’Afrique et des fantasmes d’Orient, emprunts d’une sensualité et d’une féérie hors du temps. Est-ce une version afro-saharienne de la Shéhérazade des mille et une nuits ?
J’attache beaucoup d’importance à la scénographie de mes concerts. C’est presque une forme de sacralisation de ce moment unique où je veux offrir au public un voyage sensoriel complet. Cette recherche esthétique rejoint aussi mon goût personnel pour les tissus et les costumes traditionnels marocains dans leur sophistication et leur raffinement. Mais je me suis surtout entichée de la "melhfa", ce tissu d’un seul tenant qui habille avec grâce et simplicité les femmes du Sahara. J’aime la liberté de mouvement qu’il permet et la silhouette qu’il dessine, à la fois sensuelle et asexuée. Une manière aussi de revendiquer ma part de masculinité…

Oum, mercredi 6 juillet 20h30 au Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Étienne, dans le cadre du festival des 7 Collines

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