"Ma Ma" : un grand rôle pour Penélope Cruz

Ma ma
De Julio Medem (Esp, 1h51) avec Penélope Cruz, Luis Tosar...

Avec sa construction sophistiquée et son interprétation épurée, cette chronique d’un combat contre l’injustice de la maladie signe le retour du grand Julio Medem. Elle offre en sus un vrai rôle à Penélope Cruz, qui malgré son abondante filmographie, n’en a guère endossé.

Présentée en primeur lors des derniers Reflets du cinéma ibérique et latino-américain, la nouvelle réalisation de l’auteur des Amants du Cercle polaire aborde avec un tact et une grâce remarquables l’un des pires casse-museaux du cinéma : le cancer. Un sujet dont certains s’emparent à des fins d’exorcisme personnel ou de témoignage, dans des tire-larmes indignes où les interprètes se livrent à des simagrées stratosphériques pour contrefaire la maladie.

Ce n’est pas le cas de Penélope Cruz qui, dans Ma Ma, apparaît sobre comme on ne l’a plus vue depuis des lustres. Incarnant une femme au chômage, abandonnée par son mari, touchée à un sein, subissant une chimio et ses effets secondaires, une mastectomie, puis une récidive alors qu’elle a retrouvé l’amour — avouez que le tableau est complet —, la comédienne vise autre chose qu’une performance outrancière adossée à une déchéance physique.

Magda, son personnage, se révèle combatif sans héroïsme grandiloquent ; quant aux atteintes du mal, elles ne sont ni adoucies pour épargner le spectateur ni affichées avec indécence : une poignée de cheveux restant dans la main de son compagnon, les plans cliniques laissant entrevoir le torse cicatrisé de Magda ainsi que les regards furtifs de son fils sur sa prothèse, portent davantage de souffrance qu’un long lamento nappé de violonades.

Mélo, Ma Ma non troppo

Appréciant la forme mélodramatique, Julio Medem se méfie cependant (avec raison) du piège de ses facilités. Et plutôt que de céder à une fascination macabre pour la mort et la maladie, il fait en sorte de hisser Ma Ma vers la lumière, le positif, la vie — en cela, il est assez proche de Lucía y el sexo (2000), où un deuil était le point de départ d’une renaissance. Un détournement (ou retournement) du genre, qui l’enrichit plus qu’il ne le trahit.

De la même manière, il refuse d’abandonner l’image du film à la tristesse : chaque plan est une occasion de faire entrer de la beauté et de la clarté. Cette démarche esthétique se double d’une construction dynamique, où la linéarité est sans cesse perturbée par de mini flashs-forward scandant le présent, comme dans Z ou L’Affaire Thomas Crown.

Une manière élégante de manifester l’irrémédiable dissolution de l’instant, chassé par un futur pressé de lui dévorer sa place ; une façon aussi d’écrire du cinéma pur en recourant à son encre essentielle : le temps.

Ma Ma de Julio Medem (Esp, 1h51) avec Penélope Cruz, Luis Tosar, Alex Brendemühl…

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