Un semestre en salles / Un Harry Potter, un Star Wars, un Marvel, un Loach Palme d'Or... Non non, nous ne sommes pas victimes d'un sortilège nous faisant revivre en boucle la dernière décennie. Regardez d'un peu plus près : c'est dans les détails que se nichent les nuances...
Après un gros premier semestre dévolu aux blockbusters, la fin de l'année accueille traditionnellement le cinéma d'auteur — exception faite des incontournables marteaux-pilons de Thanksgiving et Noël, conçus pour vider une bonne fois pour toutes les goussets des familles. Les candidats 2016 sont, dans l'ordre, Les Animaux fantastiques de David Yates (16 novembre), spin off de la franchise Harry Potter et Rogue One : A Star Wars Story de Gareth Edwards (14 décembre). Qui de Warner ou Disney l'emportera ? Un peu avant (26 octobre), Benedict Cumberbatch tentera de déployer la bannière Marvel dans le film de Scott Derrickson, Doctor Strange — un second couteau parmi les superhéros. Cette impression d'avoir à faire des versions alternatives ou dégraissées de vieilles connaissances se retrouve aussi chez Tim Burton qui signe avec Miss Peregrine et les enfants particuliers (5 octobre) un nouveau conte fantastique sans Helena Bonham Carter, ni Johnny Depp, ni son compositeur fétiche Danny Elfman ! Au moins, on peut espérer un souffle de fraîcheur...
À vitesse de Croisette...
En fait, les mois à venir seront surtout rythmés par la progressive divulgation du palmarès cannois dont l'intégralité demeure, fait rare, toujours inédite. Il faudra cependant encore patienter pour la nouvelle Palme d'Or attribuée à Ken Loach et son admirable Moi, Daniel Blake (26 octobre). Un cri de détresse et de solidarité en direction de la classe laborieuse laminée d'abord par le libéralisme thatchérien, puis par l'humiliante bureaucratie britannique, dont on aimerait surtout qu'il puisse secouer quelques consciences confites dans la graisse de leur privilèges outre-Manche. D'ici là, vous aurez droit au Grand Prix concédé à Xavier Dolan pour son adaptation “All Star Game” de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du Monde (21 septembre). Les Prix d'interprétation masculine et féminine sortiront respectivement plus tard : Le Client d'Asghar Farhadi, également Prix du scénario (9 novembre) et Ma' Rosa de Brillante Mendoza (30 novembre). On est très curieux de découvrir Baccalauréat (7 décembre) un conte moral ayant valu à Cristian Mungiu l'un des deux Prix de la mise en scène ; en revanche, n'y a pas grand chose à attendre de Personal Shopper (14 décembre), son (incompréhensible) ex-æquo, un exsangue film de spectre et une morne prolongation du ticket de l'indolente Kristen Stewart dans l'univers d'Assayas. Quant au Prix du Jury, American Honey de l'Anglaise Andrea Arnold, il n'est pour l'instant pas daté...
Reprenons un peu d'auteur
Reparti bredouille, Aquarius de Delbert Mendonça Filho (28 septembre) mérite d'emporter les faveurs du public. Dans ce combat du pot de terre contre le pot de fer, l'ancienne femme-araignée de Babenco fait face avec détermination à un jeune promoteur aux dents longues et aux manœuvres déloyales. Davantage qu'une histoire de propriété immobilière, c'est tout à la fois un western, une fable morale, un conte philosophique aux accents melvilliens et une réflexion sur le temps. Et puis il faut se préparer à un choc merveilleux : le formidable et déjà multi-primé Ma vie de courgette, de Claude Barras (19 octobre), un film d'animation en stop-motion bouleversant parlant avec simplicité de l'enfance en difficulté. Entièrement tourné à Villeurbanne sur un scénario de Céline Sciamma, il sera le futur représentant de la Suisse dans la course aux Oscars. Restons en famille avec le Captain Fantastic campé par Viggo Mortensen à la tête de sa smala contestataire dans un surprenant road movie alternatif de Matt Ross contournant moult lieux communs (12 octobre).
Le fond de l'air est trouble
Ken Loach ne sera pas le seul à serrer les poings : avec Snowden, Oliver Stone revient à la vie artistique et combative en retraçant le parcours du lanceur d'alertes homonyme, ayant dénoncé l'intrusion des agences d'État dans la sphère privée — favorisée par les poids lourds de la net-économie. Un épatant Joseph Gordon-Levitt incarne l'informaticien dans ce film au poids politique d'autant plus marqué que sa sortie coïncidera avec les élections étasuniennes (2 novembre). Eu égard à leur carrière, on passera sous silence La Fille inconnue des Dardenne (12 octobre), fable effectivement dramatique sur la responsabilité individuelle n'ajoutant rien à leur gloire, pas plus qu'à celle d'Adèle Haenel ou de Jérémy Rénier. On recommande plutôt Trashed de Candida Brady (16 novembre). Un documentaire sainement alarmiste et édifiant mené par par Jeremy Irons qui s'intéresse à une espèce d'ordure : l'omniprésent plastique lequel, justement, empoisonne les nôtres et finit par contaminer tout le vivant. Plus de pertinence et moins d'angélisme niais sur le sujet : il était temps !