Cinéma / Septembre annonce la rentrée. Du moins... en théorie. Car dans les salles, les films, eux, s'ingénient à sortir. Et à raconter l'exotisme ou un ailleurs où l'herbe n'est pas forcément plus verte... Vous avez votre ticket ? En route ! VINCENT RAYMOND
S'il est admis que le 7e art présente en temps ordinaire un dérivatif au train-train quotidien, il semble jouer un jeu bien pervers au moment où chacun s'efforce de refermer la parenthèse vacances et se remettre à l'ouvrage. Le nombre de films invitant à arpenter (au moins à travers l'écran) d'autres horizons connaît en effet en septembre une prodigieuse inflation. Qu'on ne se méprenne pas toutefois : loin d'être idylliques, la plupart des dépaysements qu'ils proposent sont subis et n'ont rien d'une sinécure. Tel celui évoqué dans Fuocoammare, par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi (28 septembre). Ce documentaire d'actualité ayant récolté l'Ours d'or à Berlin manque son sujet en abordant de manière périphérique le sort des migrants transitant par l'île italienne ; il préfère composer un patchwork de portraits avec quelques insulaires pittoresques et asséner en toute fin une séquence de sauvetage macabre au spectaculaire aussi frontal que moralement suspect. Dans Voir du Pays signé par les sœurs Delphine & Muriel Coulin (7 septembre), ce sont deux engagées de retour d'une opération traumatisante en Afghanistan qui profitent d'un “débriefing” collectif à Chypre pour remettre en cause et en question leur place dans l'armée. Un tacle dans la gorge de la grande muette et de sa gestion déplorable des ressources humaines en général, et de la mixité en particulier. Quant au candide héros de Jeunesse (7 septembre) campé par Kévin Azaïs, il lui suffit d'embarquer sur le rafiot d'un margoulin pour que se dissipent ses rêves de fortune — semblant appartenir à un autre temps. Pas étonnant : il s'agit d'une adaptation contemporaine de Joseph Conrad, où parfois on jurerait avoir manqué un épisode. Partir avec Michael Moore n'est guère plus réconfortant : dans son nouveau documentaire Where To Invade Next (14 septembre), le faux naïf fait mine de chasser les bonnes idées sociales mises en œuvre un peu partout sur le globe puis de les annexer afin de les importer chez l'Oncle Sam. Malgré quelques informations édifiantes sur la politique US, son film est un grand barnum caricatural, dont le sérieux peut hélas se jauger dans le segment consacré à la France (les cantines scolaires y sont prises pour modèles : risible) et à la conclusion puérile. Dommage.
C'est arrivé près de chez vous
En fait, à l'exception du nouveau Philippe Lioret se déroulant au Québec, Le Fils de Jean (31 août), un drame familial tout en retenue dans la lignée de Je vais bien ne t'en fais pas, la plupart des films intéressants évoluent dans un périmètre si restreint qu'ils paraissent promouvoir le circuit court ! Nocturama de Bertrand Bonnello (31 août) en est l'illustration extrême (et brillante), puisque cette histoire de terroristes lançant une attaque dans Paris se déroule pour moitié en huis clos... à la Samaritaine. Faisant partie du précédent groupuscule, Vincent Rottiers est également l'interprète principal de Toril, première réalisation de Laurent Teyssier (14 septembre), un polar rural crédible où le comédien campe un fils d'exploitant agricole prêt à dealer pour sauver les terres de son père et à davantage pour venger un camarade. Les amateurs d'injustices se retrouveront sans doute dans Les 7 Mercenaires d'Antoine Fuqua (28 septembre), nouvelle version du western classique avec Denzel Washington en chef de troupe, qu'un embargo nous défend d'évoquer pour l'instant. Plus anecdotique et fleur bleue (il en faut), First date de Richard Tanne (31 août) embarque les romantiques et les voyeurs à Chicago à l'été 1989, quand Barack invita Michelle pour la première fois. Forcément hagiographique, très mignon, et certainement éloigné d'une campagne de séduction à la hussarde menée par Donald Drumpf... pardon, Trump.
Manquent à ce tour d'horizon des curiosités pas encore vues : deux drames prévus le 7 septembre que des auteurs hexagonaux ont tournés en se “délocalisant“. D'abord un remake du Broken Lulaby de Lubitsch par François Ozon, titré Frantz, où Pierre Niney, hanté par le souvenir du soldat allemand qu'il a tué durant la Première guerre mondiale, finit par prendre sa place auprès des siens ; et puis une saga familiale adaptée d'Alice Ferney, Éternité, première réalisation de Tran Ahn Hung dans un contexte français avec une distribution ad hoc : Audrey Tautou, Bérénice Bejo, Mélanie Laurent... Allez, courage : septembre sera vite passé...