Yohann Fournier,  brasseur d'idées

Puppetmastaz

Le Clapier

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

A bientôt 37 printemps, Yohann Fournier est un homme humble et discret. Il est pourtant à la tête d’un bel ensemble d’affaires entre Saint-Etienne et Lyon, dans le petit monde de la bière et de la nuit. Un parcours étonnant, des bancs de la fac de médecine jusqu’à l’ouverture d’un restaurant événementiel dans l’ancienne gare du Clapier.

Nous rencontrons donc un Ligérien pur souche, sourire en coin, dans les murs du Clapier. Au rythme des trains qui relient encore Perrache et Firminy, Yohann peaufine de ses mains l’aménagement de l’ancienne gare, également ex-Mangoune, accouchant fièrement de son tout nouveau bébé. Entrepreneur aux milles idées, il aurait pu prendre la grosse tête tant les affaires qu’il a lancées depuis plus de dix ans ont été couronnées de succès. Pour ce nouveau projet qui fera travailler cinq employés, plus de quatre cent mille euros ont été investis. « J'avais ce lieu en tête depuis longtemps. J'ai toujours pensé que ce serait dommage de ne pas le faire vivre au moins à midi car je reste persuadé qu'il y a une grosse demande dans le quartier : si l'assiette est bonne, les bouches viendront ! On privilégiera une cuisine traditionnelle car pour moi il faudra toujours des patates et une bonne viande. Il y a dans la région suffisamment de bons paysans qui travaillent sérieusement et qui soignent leurs bêtes. Je préfère la qualité à la quantité. Mais nous resterons ouverts à tout, en n'oubliant pas non plus les végétariens. On pourra donc aussi bien manger léger que se faire péter la panse ! »

à lire aussi : "Le Clapier", une nouvelle salle de concerts à Saint-Étienne

Coup de tête

L’achat du bail s’est pratiquement fait sur un coup de tête. Yohann se souvient : « Je suis tombé sur un article qui parlait du lieu (que j'avais justement visité un an plus tôt) et qui évoquait d’hypothétiques projets. Ça gambergeait dans ma tête. Fin janvier 2016 je suis alors allé voir le propriétaire du bail qui m'a confié qu'il allait probablement vendre les murs à la mairie. J'ai aussitôt rédigé un projet et j'ai pris mon bâton de pèlerin pour convaincre non sans mal plusieurs partenaires financiers, puis au final la mairie. J’ai racheté le bail en mai et le mois suivant nous organisions déjà une première soirée !» Les soirées du Clapier seront ouvertes à toutes les disciplines : musique bien sûr, mais aussi théâtre, accrochages et pourquoi pas, aussi, des soirées dansantes : « j'aurai aimé mettre en place ce genre de soirée à l'Assomoir mais cela demandait trop de place. J'imagine tout à fait cinquante ou soixante couples qui viennent danser, boire et manger. » Le Clapier sera ni un bar ni une salle de concert : « on proposera autre chose parce qu'on a entre les mains un lieu atypique, non conformiste. Il faut oser sortir des sentiers battus car, qu'ils deviennent des chemins ou des autoroutes, il faut essayer. Il y a plein de choses intéressantes qui se font dans notre beau pays, il faut savoir prendre les bons trains en marche et si possible au début. Par exemple le Ninkasi avait été précurseur en associant musique et brasserie, ils ont créé un sentier qui est devenu aujourd’hui quelque chose d'important. » Yohann prévoit d’être très présent dans sa nouvelle affaire : « Quand je lance un bébé il faut que je sois là. Et puis je ressens vraiment l'envie de m'investir dans ce lieu. Ce sera d’ailleurs sans doute l'un de mes derniers gros projets. J’ai quand même beaucoup donné ces dernières années. » Le Clapier proposera une soixantaine de couverts à midi et, après un soirée-test en juin dernier, les premiers concerts sont annoncés avec notamment la sortie d’album de Ladybug and the wolf (21 octobre) et l’ouverture du 1001 Bass Festival (27 octobre). Tout d’abord en mode associatif, les soirées pourront accueillir jusqu’à trois cent cinquante spectateurs.

De "Monsieur capotes" à "Monsieur bière"

Le parcours de Yohann reste cependant des plus étonnants. Après son bac S, il tente d’abord le concours des Beaux-Arts. « A l'époque je peignais et je sculptais. Mais ils ne m'ont pas voulu et ça m'a probablement sauvé la vie ! » (Rires...) Yohann commence alors une fac de médecine avec le projet de venir kiné. Il bifurque très vite, acquiert un diplôme de visiteur médical et devient aussitôt commercial pour un laboratoire pharmaceutique, dès 2002. « J'avais financé mes études en étant saisonnier agricole chaque été. Je crois que c'est cette expérience qui m'a appris la culture du travail. » Changeant une fois encore son fusil d’épaule, Yohann crée en 2003 une première entreprise, achetant chez Durex et Manix des petits stocks de préservatifs qu’il revend principalement à son entourage. « Je n'ai fait que cinq cent euros de chiffre d'affaire la première année. Pour faire plus de volume j'ai ensuite traité directement avec des unités de production en République Tchèque puis en Malaisie. J'ai installé des distributeurs de préservatifs un peu partout et, la fibre commerciale s'étant bien installée, j'ai eu envie avec des amis d'ouvrir un bar. En 2005, on a donc racheté le Bar Irlandais que l'on fréquentait quand on était encore au lycée, on en a fait le Soggy Bottom qui maintenant emploie cinq personnes, reste l’un des plus gros débits de bières de la ville et tient, je pense, une vraie place dans la vie nocturne stéphanoise. »

« Il était devenu évident que je sois aussi fabricant de bière.»

Constatant qu'il n’existait pas suffisamment de lieux en centre ville pour programmer des groupes de musique, il monte alors l'Assomoir en 2007. « Mais quand je voyais tous les mecs du milieu alternatif acheter des packs de Kro en grandes surfaces, j'ai eu l’idée de négocier pour eux des fûts de bière blonde à prix sympa, ainsi que des tireuses, auprès d’une brasserie belge. » C’est ainsi qu’est née la Houblonnerie en 2009. Les années 2010-2011 ont été plus chaotiques. « Je me suis associé avec des personnes autour du Nautilus dont le nom le prédestinait à sombrer ! Le naufrage a emporté avec lui la boîte de rénovation que j'avais montée pour l'occasion et dont l'unique employé était mon père. J'ai donc dû licencié mon propre paternel qui en plus était proche de la retraite. » Une jolie calotte et une belle expérience d'échec. Yohann rebondit, décidant de se concentrer sur son activité principale qui est la bière et l'activité nocturne. « J'ai remis de l'ordre dans mes différentes structures, j'ai pris le temps de tout remettre à plat pour mieux redévelopper le Soggy et la Houblonnerie. J’ai même décidé de me séparer de l'Assomoir qui ne convenait plus tout à fait à mon schéma de développement. » Bouclant la boucle, Yohann se lance alors dans le projet de la Brasserie Stéphanoise en 2014. « Il était devenu évident, compte tenu de mes activités, que je sois aussi fabricant de bière.» L’année suivante, visiblement jamais rassasié, il prendra pleinement part au renouveau de la mythique boîte de nuit stéphanoise, le Bul.

Partage

« J'avais vraiment hésité, au tout début, à faire ma vie professionnelle à Saint-Étienne. Mais Sainté est un grand village, c'est un truc de fou ! Si tu t'ouvres à la ville et même si tu te donnes d'une façon sincère à cette ville, elle te le rendra forcément un jour.» Dans la plupart de ses affaires Yohann a eu la bonne idée de s’associer avec des personnes sur qui il peut compter. « J'aime la liberté, l'indépendance. Quand je m'associe ou quand je délègue, je me base sur mon ressenti et mon observation. Quand je sens bien quelqu'un je peux lui laisser une certaine autonomie. On partage le travail, les bons et les mauvais côtés, parfois les risques, il faut donc vraiment bien se connaître et avoir confiance. On gagne ensemble, on perd ensemble. Mon parcours est fait de rencontres humaines et je sais très bien qu’il y a des gens à qui je dois beaucoup. » Lorsqu’on l’interroge sur le temps qu’il lui reste pour sa vie de famille, Yohann explique : « mon travail fait partie de ma vie. Je n'aime pas passer du temps derrière mon bureau quand il faut gérer la paperasserie, mais passer vingt heures par jour à retaper le Clapier ne me fait pas peur, au contraire j'adore ça ! Comme j'ai la chance d'aimer profondément ce que je fais, je n'ai pas l'impression d'aller au travail, je commence ma journée comme d'autres jouent au basket ! »

Yohann en quelques dates :

1979 : naissance au Chambon-Feugerolles
2003 : entreprise de négoce en préservatifs
2005 : inauguration du Soggy Bottom
2007 : démarrage de l’Assomoir
2009 : ouverture de la Houblonnerie
2014 : création de la Brasserie Stéphanoise
2015 : nouvel élan pour Le Bul
2016 : ouverture à Lyon de la houblonnerie « Chez Ju » et du Clapier à Saint-Etienne

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