Anna Alexandre, une vie "danse"

Portrait / Danseuse passionnée et passionnante, Anna Alexandre est incontournable. À la tête de l'association Stéla et du festival DesArts//DesCinés mêlant danse et cinéma, elle possède un parcours unique, entre voyages, ouvertures et partages. Des valeurs fortes qui l'ont guidée jusqu'à Saint-Étienne, ville à laquelle elle demeure très attachée. Rencontre avec une fille au sourire communicatif.

Dans le contexte actuel toujours plus morose, certaines rencontres sont bienveillantes et apportent du baume au coeur. Avec Anna Alexandre, directrice de l'association Stéla, c'est clairement le cas. Son sourire rayonnant fait plaisir à voir. Allant de paire avec sa bonne humeur communicative, elle inspire également le respect du fait de sa modestie. En effet, lorsque nous l'avons jointe pour la rencontrer, sa réaction fut d'abord celle de l'étonnement. Pleine d'humilité, elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser, nous demandant si nous étions bien certains de vouloir réaliser son portrait. Oui, c'était bien sur elle que notre choix s'était porté pour débuter l'année 2017 en beauté. Qui mieux qu'une fille aussi dynamique et fermement attachée à Saint-Étienne, sa ville d'adoption. Anna Alexandre, c'est un condensé d'une passion débordante pour la danse mais aussi pour autrui. Une sincérité et une foi en ses différents projets qui se dégagent de son regard, de ses propos - parfois prolixes - mais aussi et surtout de ses actes. À l'initiative du joli festival DesArts//DesCinés, mêlant danse et cinéma, qui fêtera en avril prochain sa septième édition, elle intègre dans cet événement des artistes et spectateurs porteurs de handicap. Une preuve de son ouverture et de ses valeurs humanistes fortes qui n'ont cessé de la guider durant son parcours.

Touchée par le syndrome du survivant

À l'âge de 6 ans, Anna Alexandre est encore dans la région parisienne lorsqu'elle découvre la discipline artistique qui va changer radicalement sa vie. « La danse a été un choc lorsque j'étais toute petite, explique-t-elle. J'avais une professeur plutôt fantasque en grande section de maternelle, qui se peignait les ongles en vert, jaune, rouge... (rires). À la fin de l'année scolaire, elle nous avait emmenés voir un spectacle de danse contemporaine. C'est à ce moment-là que je me suis dit que je voulais faire ça. » Issue d'une famille plutôt modeste aux origines méditerranéennes multiples, Anna était plutôt une petite fille du style modèle et bonne élève. Elle commence à suivre quelques cours de danse classique mais ne parvient pas à rentrer dans le moule. « J'étais l'aînée de la famille, assez sage et assez brillante à l'école, ce qui est difficile à croire en me voyant aujourd'hui (rires), assure-t-elle. Avec mes origines pieds noirs, la ligne "haricot vert" n'était pas trop mon truc. Je n'étais pas rondouillette mais je n'avais pas les chevilles assez solides et malgré les cours que je prenais une à deux fois par semaine, à 12 ans, je n'arrivais toujours pas à trouver ma place. C'est grâce à la danse jazz que j'ai découverte en 1985, que j'ai vraiment commencé à m'éclater. » Studieuse et obéissante, Anna poursuit ses études face à l'inquiétude de son père qui espère sa fille plus concentrée sur de "vraies" études. En avril 1988, un événement va alors bousculer le destin de la jeune femme. Elle subit un terrible accident de voiture et la danse sera le moyen pour elle de remonter la pente. « Mon oncle et ma tante sont décédés dans l'accident. J'ai eu les cervicales brisées. J'ai alors été touchée par le syndrome du survivant. Je me disais deux choses : la première était "pourquoi je suis encore là" et la deuxième était "si je suis là alors autant faire ce qui m'intéresse vraiment". Tout mon système de valeurs a volé en éclat. Je ne voulais faire plus qu'une chose : danser. » Après cet accident, elle est de retour dès octobre dans un cours de danse. C'est grâce à cette motivation qu'elle va se reconstruire physiquement et psychologiquement.

Le voyage et l'émancipation

Très vite, après ce dramatique épisode, la jeune femme reprend sa progression artistique et scolaire. Elle obtient son bac S et intègre une prépa HEC puis une école de commerce, toujours dans le but de satisfaire la volonté familiale. Mais son désir de danse ne fait que s'accroître et elle intègre "Mise à Jour", une compagnie semi-pro. Avec cette structure, elle connaît ses premières expériences de scène comme au Palais des Festivals de Cannes. En deuxième année d'école, elle saisit l'opportunité de partir à l'étranger et prend son envol pour Montréal et la liberté. Elle vit alors à fond sa passion et fait des rencontres déterminantes dont son futur mari Fred, un de ses deux colocataires dans la ville québécoise ainsi que Don Jordan et Phil Cole, deux de ses maîtres à penser. « À cette époque, j'ai alterné les cours de danse classique et jazz. J'avais beaucoup de travail à l'université mais j'arrivais à danser tous les jours. » Elle termine son année avec un stage au département marketing des Grands Ballets Canadiens. Une expérience déterminante et privilégiée auprès de cette grande institution. Elle rentre ensuite en France et pose ses valises à Saint-Étienne, ville de son compagnon. Elle prend ses marques dans cette nouvelle vi(ll)e et poursuit son cheminement professionnel. Elle fait la rencontre d'Évelyne Guichard, devient administratrice de la Compagnie de danse lyonnaise Hallet Eghayan, puis de Teatri del Vento à Montélimar et de l'ensemble Canticum Novum...

Saint-Étienne, ville de coeur

Quelques années après son installation, germe dans sa tête son projet majeur : la création d'une structure d'accompagnement artistique. Ainsi elle fonde l'association Stéla en 2006. Pas encore rassasiée, elle formalise très vite le projet d'un festival mêlant le cinéma et la danse ouvert à tous et intégrant les personnes porteuses de handicap. DesArts//DesCinés voit le jour en 2011 et se développe considérablement ces dernières années, notamment avec une compétition unique de vidéodanse ou les célèbres flashmobs. Le festival devient un "incontournable" de la saison culturelle stéphanoise. Plus que jamais motivée, cette maman de trois enfants entend bien continuer à faire bouger les lignes. D'une part avec son festival (avec la thématique Mutations/Migrations pendant 3 éditions), la programmation d'événements autour de la danse tout au long de l'année mais aussi par le biais d'un lieu unique. « Le projet est en gestation, explique-t-elle. L'idée est de mettre en place un lieu indépendant qui relève du changement social et solidaire. Un incubateur à "être citoyen aujourd'hui" entre l'artistique et le social. L'objectif est d'ouvrir ce lieu dans les deux années à venir. » Un projet pour lequel la danseuse espère compter sur le soutien des pouvoirs publics afin de continuer à faire danser sa ville de coeur et surout ne pas abandonner son combat premier : donner la possibilité à tous de se laisser emporter par le plaisir de danser.

Repères :

29 juin 1973 : naissance à Villeneuve-Saint-Georges en région parisienne

1985 : découverte de la danse jazz sur Francky Goes To Hollywood

Avril 1988 : subit un grave accident de voiture

1995 : mariage et installation à Saint-Étienne

fin 1996 : devient administratrice de la Compagnie de danse Hallet Eghayan

2004 : administratrice de Teatri Del Vento à Montélimar

2005 à 2011 : administratrice de production pour Canticum Novum à Saint-Étienne et de nouveau pour la Compagnie Hallet Eghayan à Lyon

2006 : création de l'association Stéla

2011 : 1ère édition du festival DesArts//DesCinés, en autofinancement complet

2016 : chorégraphe des danses d'avant-match pendant l'Euro 2016 à Saint-Étienne

2017 : 7ème édition du festival et projet de créer un lieu artistique, social et solidaire à Saint-Étienne dans les deux ans à venir

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