Face (à face) à la nouvelle année

Panorama janvier / Les distributeurs ont l’esprit joueur. Ou plutôt jouteur : à la manière des programmateurs des chaînes de télé, ils ont composé un janvier truffé de petits duels et de combats singuliers. Une manière très… confraternelle de (se) souhaiter la bonne année…

Comme si les vraies rivalités et les confrontations sérieuses du monde réel ne suffisaient pas : voilà qu’on invente des escarmouches pour les files d’attente des cinémas ! Et qu’on ne brandisse pas, pour les justifier, le prétexte d’une fréquentation à stimuler par “l’émulation” : revendiquant plus de 210 millions d’entrées réalisées en 2016, le secteur s’est rarement aussi bien porté. De telles chicaneries, ça vous a tout de même un petit air de cour de récré, non ?

Biopics et collegram

Rayons enfantillages, Hélène Angel ouvre le bal avec Primaire (4 janvier) qui fait de Sara Forestier une instit’ surinvestie — sans doute trop, et certainement plus que ses collègues —, prête à beaucoup pour sauver un gamin manifestante de graves signes d’abandon… au grand dam de son propre fils. On retrouve, actualisé, l’un des thèmes de L’Argent de poche (1975) de Truffaut, centré ici sur l’enseignant et amendé d’une inutile fable sentimentale avec un Vincent Elbaz peu crédible en livreur fruste. Plus convaincant est Jamais contente de Émilie Deleuze (11 janvier), adaptation de Marie Desplechin sur les désarrois d’une ado redoublante, mal dans sa peau en famille et au collège. Grâce à un prof de lettres devinant son potentiel (Alex Lutz, version sérieuse), elle s’épanouira dans l’écriture poétique ; grâce à un groupe cool, elle s’éclatera sur scène. Interprète principale, la jeune Léna Magnien envoie du bois et trouve en la réalisatrice Patricia Mazuy, ici comédienne, une mère criante de vérité molle !

Grande tendance du moment, le biopic musical a aussi droit à son affrontement le 11 janvier. Honneur à miss Égypte, c’est-à-dire Dalida vue par Lisa Azuelos. Le mannequin Sveva Alvitin l’incarne comme elle peut dans cette très très sage évocation clipesque, mais force est de constater qu’on n’y croit guère : Dalida sans strabisme, c’est comme un bon repas auquel il manque du fromage. Riccardo Scamarcio, en revanche, tire le gros lot en Orlando — c’est la seule bonne idée du film. L’Italienne est surclassée par un autre destin brisé : celui de Chet Baker dans la mélancolique balade Born To Be Blue signée Robert Budreau. Épatant, Ethan Hawke y montre la résurrection artistique (et éthylique) du bugliste à la voix d’ange et au visage de jeune premier désespéré. Ses doutes, ses addictions, son amour viscéral de la musique et sa faiblesse pour les femmes sont magnifiés dans cette élégie élégante mais sans prétention, dotée de surcroît du magnétisme de Carmen Ejogo.

Aïssa contre Maïga et compagnie

Dans la série schizophrénie, je demande le 18 janvier : d’un côté Corniche Kennedy de Dominique Cabrera ; de l’autre Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste. Point commun : un rôle principal pour Aïssa Maïga. Verdict ? Victoire par défaut du second. En effet, malgré quelques invraisemblances grossières, cette comédie sur un couple noir adoptant un bébé blanc possède davantage de fond et d’écriture que cette nouvelle adaptation de Maylis de Karangal (après Réparer les vivants, décidément…) reposant sur du pur cliché, ici à la sauce marseillaise : la fascination de lycéenne bourgeoise pour de petits cadors de banlieue. On pourrait continuer sur Jenifer Bartoli s’affrontant à distance dans le nullissime Faut pas lui dire de Solange Cicurel (4 janvier) où elle joue et dans Tous en scène de Garth Jenning (25 janvier, pas vu) dont elle assure le doublage français. Ou avec le fight entre génitrices-courage du 4 janvier : Chanda, une mère indienne de Ashwiny Iyer Tiwari, qui retourne à l’école pour inciter sa fille à poursuivre ses études, ou Layal, la prisonnière palestinienne accouchant en prison dans 3000 Nuits de Mai Masri.

Tout ceci pèse peu face aux “solitaires” du mois : le Neruda (4 janvier) de Pablo Larrain, bio revisitée en mode Attrape-moi si tu peux, The Birth of a Nation de Nate Parker (11 janvier, photo), qui corrige Griffith et renvoie se rhabiller Twelve Years a Slave, Ouvert la nuit d’Édouard Baer, éclat de champagne miraculeux de subtilité cocasse (le 11 aussi), voire la curiosité Lumière ! (25 janvier), agencement de 108 vues des premiers temps choisies et commentées par Thierry Frémaux. Sans compter la comédie musicale de Damien Chazelle, Lalaland dont on promet le meilleur. Vite, la suite !

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