Benighted : « Le metal est une musique bourrine avec une joie communicative »

Benighted + Holy Cross + Mithridatic

Le FIL

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Metal / Le groupe de brutal death Benighted est incontournable sur la scène metal extrême. Appelée à jouer dans le monde entier, sur les plus grandes scènes du genre, cette formation d'origine stéphanoise vient fêter la sortie de son huitième album studio, Necrobreed, sur sa terre natale. Rencontre avec Julien Truchan, chanteur charismatique du groupe.

À l'origine, le groupe Benighted est stéphanois ?
Julien Truchan :
Oui, sur le line-up initial, nous étions tous originaires de la région stéphanoise. Nous avons donc toujours signifié que nous étions de Saint-Étienne. Ce qui est encore le cas, même si je suis désormais le seul à être encore dans le coin. Mais à l'étranger, tout le monde ne connaissant malheureusement pas Saint-Étienne, on nous a parfois catalogués comme un groupe de Lyon. (rires) Mais à la base, nous avons débuté en 1998 par une sorte d'amusement entre lycéens de Feurs.

Necrobreed est votre huitième album studio. Entre l'album précédent Carnivore Sublime sorti en 2014, et celui-là, il y a eu de nombreux changements de musiciens. Est-ce que cela a impacté votre manière de composer ?
À chaque fois que nous avons connu un changement dans Benighted, cela s'est fait pour aller vers du positif dans l'énergie et dans la technique. À chaque fois, nous avons eu la chance de tomber sur un musicien plus talentuieux que son prédécesseur. Cela dit, il a fallu gérer la distance car désormais notre batteur habite à Cannes, un des guitaristes à Dijon et l'autre dans le Pays de Gex... C'est une organisation à adopter pour travailler. Jusqu'à Carnivore Sublime, nous composions nos morceaux en répétitions. Pour Necrobreed, nous avons travaillé pour la première fois via Internet. La chance que l'on a eue, c'est qu'Emmanuel Dalle, notre nouveau guitariste et compositeur, est un tueur en terme de productivité et il maîtrise suffisamment bien le numérique pour nous proposer des pré-prods où se trouvent déjà des bases de guitare-basse-batterie. Cela a facilité grandement les choses. Puis, Romain, notre batteur, a adapté les parties batterie pour retranscrire une certaine intensité. Pour ma part, je mets beaucoup mon grain de sel dans les structures de morceaux, dans les arrangements. J'aime orchestrer ce que chaque musicien amène pour le groupe.

La musique metal demande beaucoup de technicité pour chaque musicien. De votre côté, pour la voix, il faut également beaucoup travailler pour tenir une telle intensité. Comment entraînez-vous votre voix ?
Je m'entraîne au moins une fois par semaine. Mon lieu préféré pour m'exercer, c'est ma voiture. Je n'embête ainsi personne et je peux hurler au volume que je veux. Ca doit être un peu bizarre pour les gens que je croise et qui doivent se demander ce que je fais. (rires) Cela me permet aussi d'essayer facilement de nouvelles choses. Comme chaque album de Benighted est tourné vers un nouveau personnage lié à la psychatrie et la schizophrénie, j'essaie d'amener de nouvelles voix à chaque fois, un peu comme de nouvelles hallucinations.

Les thématiques abordées par le groupe tournent toujours autour de la schizophrénie ?
Oui, toujours. Je travaille en psychiatrie depuis 2002 et j'adore mon travail. Tellement de films et de textes sont des montagnes de clichés sans vraiment connaître les pathologies... Je souhaite écrire des textes qui proposent quelque chose de réel dans les symptômes. Aussi, dans aucun album de Benighted, il n'y a eu d'histoire concernant un patient schizophrène qui tue quelqu'un. Le seul message que nous passons finalement, c'est d'expliquer qu'un patient schizophrène ne peut souvent faire de mal qu'à lui-même contrairement aux monstres médiatiques auxquels on associe cette pathologie. Cela me prend beaucoup de temps d'écrire les textes et les concepts car j'aime partir d'un cas concret que j'ai rencontré et que je romance, bien sûr. Les délires de schizophrène sont tellement riches, surprenants et quelque part terrifiants... La semaine dernière, un de mes patients s'est amusé à aller voir les vidéos de Benighted sur Internet. Tous mes patients savent que je fais de la musique et ils me disent que je suis fou d'ailleurs, plus fou qu'eux (rires). Et ce patient en question m'a expliqué que les voix caverneuses que j'utilise correspondent à celles qu'il entend... Sur le coup, je me suis demandé s'il n'était pas en train de délirer sur ce qu'il a vu de moi mais c'est un patient assez lucide donc j'ai débriefé après. Et je me suis rendu compte qu'au final, cela validait un peu mon travail musical en donnant une crédibilité finalement au goupe. Ce genre musical est souvent caractérisé par les novices comme s'adressant à des débiles mentaux. Alors oui, effectivement c'est une imagerie violente, gore, mais cela part d'une réalité qui est celle des maladies mentales. Mon but n'est pas d'aller dans la surenchère mais c'est de présenter des histoires crédibles par rapport à des pathologies qui existent et qui sont héritées de traumatismes ou fragilités qui peuvent arriver à votre voisin...

Si vous travaillez à côté du groupe, ca veut dire que vous ne gagnez pas votre vie avec votre musique ?
Non mais cela n'a jamais été le but du groupe. Personne ne touche de l'argent dans le groupe. Il n'y a pas de salaire et c'est très bien comme ça. Je dois donc jongler entre mon travail, ma vie de famille, le groupe... je faisais du rugby en plus jusqu'à récemment. Mais il est vrai que vivre du metal en France est difficile. De plus, notre style est aussi beaucoup trop extrême pour espérer en vivre. Nous sommes pourtant très sollicités, avec de nombreuses dates, ce qui pourrait justifier un statut d'intermittents. Mais ce n'est pas l'optique du groupe.

Avec les années, l'attachement du groupe à Saint-Étienne s'est-il étiolé ?
Oui, forcément avec des membres qui ne sont plus majoritairement du coin. Mais nous continuons à dire que nous sommes originaires de Saint-Étienne. Nous y tenons car le premier public qui nous a soutenus, c'est celui d'ici. Il y avait un gros public metal à Saint-Étienne. Aujourd'hui, ça s'est un peu essouflé avec les années.

Concernant ce nouvel album, il possède un côté plus brutal et intense que vos autres productions. C'était voulu dès le départ ?
Nous n'y pensons pas trop. Le but n'est pas d'être dans la surenchère. Oui, je ressens aussi ce nouvel album comme un peu plus brutal par rapport à l'intensité de chaque morceau. Il est articulé comme un film d'horreur avec une intro glauque, des morceaux qui partent d'une façon très sauvage et des parties plus lentes, mais vicieuses, qui dérangent un peu... Ce disque a été pensé comme un film d'horreur auditif. Le but de chacun de nos albums est que lorsque les gens viennent en concert, ils connaissent déjà les morceaux pour avoir un dialogue et du partage avec eux. Je tiens à ce que le public retienne des choses d'un album et non pas qu'il les laisse de marbre. Ce qui est très paradoxal avec le metal, on joue une musique hyper violente et agressive mais on voit des gens souriants dans le public, qui viennent nous chercher et qui participent. Le metal, c'est une musique bourrine avec une joie communicative. Je rapproche le metal du rugby. La violence se situe dans le sport ou la musique en eux-mêmes et tous les gens qui sont autour, y compris les acteurs, sont dans cette démarche de passer un bon moment ensemble, avec une ambiance sympa et amicale. Il n'y a jamais de bagarres, c'est très festif et pourtant, c'est très agressif.

Benighted [+ Holy Cross + Mithridatic], vendredi 17 février à 20h30, au Fil

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