Logan : Little Miss Wolverine

Confirmation d’une tendance : les dérivations des X-Men surclassent les recombinaisons des Avengers. Mangold le prouve à nouveau dans ce western crépusculaire poussant un Wolverine eastwoodien dans ses tranchants retranchements — au bout de son humanité.

Fin des années 2020. Chauffeur de limousine de location, Logan n’est plus qu’une loque catarrheuse et alcoolique prenant soin d’un Professeur Xavier nonagénaire avec l’aide de Caliban. Sa routine explose quand surgit Laura, traquée par une horde de tueurs. Une jeune mutante à part : elle est sa fille.

Si le cadre dystopique et anxiogène semble issu des cauchemars de Frank Miller, Logan pourrait quant à lui être un avatar eastwoodien, traînant sa splendeur passée comme un boulet et implorant inconsciemment la délivrance dans un ultime râle d’héroïsme. Le James Mangold de Copland (1997) ou Walk the Line (2005) semble de retour : après avoir signé un Wolverine III en demi-teinte, où les exigences du grand spectacle prenaient le pas sur les potentialités dramatiques offertes par le cadre politico-historique, il ici radicalise son propos, confrontant le mutant griffu aux limites ultimes de ses ambivalences et de sa noirceur.

Telles serres, telle fille

Une dystopie proche dans le temps, et qui s’approche dangereusement de la réalité : Mangold montre des multinationales “fabricant” à grande échelle de la mutation dans la population grâce à la simple modification de son alimentation — en l’occurrence, du sirop de glucose, issu d’un maïs transgénique. Un process plus économique (d’un point de vue capitaliste) que celui consistant à trifouiller l’ADN ou l’organisme de chaque individu ! Sans être brandie comme un panneau, ni servie comme un alibi, cette dimension politique épaissit la texture du film mieux qu’une gomme xanthane.

Road movie citant explicitement L’Homme des vallées perdues (1953) de George Stevens, Logan est à tout point de vue un film de résistance. Celui, bien entendu, d’un chevalier solitaire (ou presque) luttant contre une conjuration de forces hostile. Mais également celui d’un vieux célibataire peinant à admettre qu’il puisse laisser quelque postérité que ce soit : Logan est le premier à mettre en pièce sa propre légende, à tourner en dérision les BD “inspirées” de ses aventures — admirable paradoxe — dont il raille les exagérations ; alors comment peut-il accepter d’avoir une postérité, si combative et/ou mignonne soit-elle ? Logan tranche enfin avec le commun du film de super-héros, où l’action a open bar. La violence est ici mesurée, contenue ; mais lorsqu’elle survient, son expression est pure. Et totale.

Logan de James Mangold (É-U., int. -12 ans avec avertissement, 2h18) avec Hugh Jackman, Patrick Stewart, Dafne Keen, Boyd Holbrook…

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