Sage-femme, Claire travaille dans une maternité qui va bientôt fermer. Sa vie se retrouve chamboulée par l'irruption de Béatrice, amante de son défunt père. Passions, regrets et nostalgie vont s'inviter chez ces deux femmes que tout oppose.
Étude sur l'acceptation du passé, cette petite histoire s'accompagne d'une mise en scène discrète, presque invisible de Martin Provost. Écrasé par deux actrices qu'il admire, le réalisateur limite la forme à une simple illustration. Seuls Quentin Dolmaire et Olivier Gourmet irradient leurs apparitions d'un charisme qui dénote avec l'ensemble.
En dépit d'une première heure touchante, la simplicité recherchée donne un sentiment d'inabouti. Des images calmes, une musique calme et un scénario calme, achèvent de rendre le troisième acte maladroit, presque ennuyeux dans les adieux finaux. Pour les fans de Deneuve et Frot.
5 questions à... Martin Provost
Si Séraphine et Violette ont montré son amour pour les œuvres d'époque, Martin Provost n'en reste pas moins fou des femmes, même lorsqu'il les filme de nos jours. Méthode et peinture de ce portraitiste d'actrices.
Quels étaient vos partis-pris de mise en scène sur Sage Femme ?
Martin Provost : S'affranchir de mes films d'époque qui demandaient un travail minutieux et précis. Là, je voulais être libre avec la caméra à l'épaule, posée sur une toute petite dolly. Ca donne une sorte de présence et de flottement. Je me suis beaucoup remis en question avec ce film. Avec Yves Cape (le directeur de la photographie, NDLR), on est parti dés le départ sur une forme assez simple, pas très sophistiquée. Je ne la voulais pas basique, mais sans effets ostentatoires. On souhaitait que ce soit vrai avec ce film. Il s'ouvre sur un accouchement : je voulais que le personnage de Claire soit aux prises avec la réalité.
Avez-vous parlé de la psychologie des personnages avec les actrices ?
Ça dépend lesquelles. Il y en a qui aiment qu'on leur parle beaucoup. Je m'adapte facilement à n'importe quel acteur. C'est d'abord à moi d'avoir l'humilité de me mettre au service d'actrices de ce niveau. Catherine Frot était en demande et en même temps, il fallait que je lui foute la paix : ce n'était pas toujours simple pour me situer. (rires) Catherine Deneuve, c'était très exceptionnel. Elle remet souvent les choses en question et y va un peu sans filet. La direction d'acteurs ressemble à la caractérisation des personnages dans le film : Frot est très rigide et sérieuse et Deneuve arrive en sachant à peine ce qu'elle doit faire. C'est de très haut vol. Mon job était plutôt dans la vision d'ensemble, derrière la caméra, pour ne pas qu'on ait de fausses notes.
Aviez-vous peur que l'hostilité de Claire (Catherine Frot, NDLR) vis à vis de Béatrice (Catherine Deneuve, NDLR) soit mal comprise ?
Oui, parfois. On y a fait attention. En même temps, j'avais poussé Catherine Frot sur ce côté revêche. Il y a ce contraste intéressant d'une femme extrêmement généreuse dans les accouchements, qui a une propension à donner et qui, dans sa vie personnelle, fait l'inverse et a du mal à communiquer. En effet, elle aurait pu être antipathique. Ça a été un jeu permanent pour montrer qu'elle a simplement un blocage.
Pourquoi jouer sur le terme “Sage femme” sans trait d'union ?
C'est moi qui ait trouvé cette idée de liaison disparaissant au générique. (rires) Ca s'est fait progressivement. Le scénario original s'appelait “La Sage-Femme” car je voulais raconter son histoire. Au fur et à mesure de l'élaboration de l'histoire, je me suis rendu compte d'un double sens et que le personnage de Béatrice était là pour exprimer autre chose. Pendant le montage, j'ai eu une conversation avec le distributeur et le producteur où j'ai dit que je retirais le pronom du titre : ils étaient très contents.
Quels sont vos prochains projets ?
Mon premier projet sera en noir et blanc et sur un personnage d'époque qui a vraiment existé : l'histoire très belle d'un clochard. Mon deuxième projet parlera encore de femmes. (rires) Filmer les femmes, ça se dessine au fur et à mesure du temps, même si ce n'est pas volontaire : peindre des portraits de femmes, c'est plus fort que moi ! J'ai plus de mal avec les hommes. (rires)