Post-Rock / Avec cette fois le Liban comme point d'ancrage, Oiseaux-Tempête continue son voyage géographico-musical au cœur du fracas du monde. Pour un résultat magnifique et tumultueux qui entre post-rock et jazz restitue la crudité et la violence d'une réalité vue par le prisme d'une musique aussi organique que conceptuelle.
C'est dans les voyages que le duo Oiseaux-Tempête, officiant également au sein du Réveil des Tropiques, trouve son inspiration et par eux qu'il s'exprime. Un voyage musical passé jusqu'ici par la Grèce (Oiseaux-Tempête en 2013) et une Turquie en pleine ébullition (Utopiya?). Cette fois, c'est le Liban qui fait office d'étape du carnet de voyage de Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul sur leur tout récent album en date AL-'AN (soit "maintenant" en arabe).
Là, ils sont allés à la rencontre de musiciens locaux pour un trip musical qui mêle jazz, noise et post-rock et se décline en trois langues : l'anglais, l'arabe et le français. Pour eux, il s'agit ici de témoigner de la richesse culturelle de ce concentré de la culture méditerranéenne qu'est le pays du grand cèdre, mais aussi de toutes ces douleurs et de tous ces drames – Through The Speech Of Stars, en 17 minutes transpose le poème de l'écrivain palestinien Mahmoud Darwich, Red Indian's Penultimate Speech to the White Man –, tout en s'échappant au-delà des frontières des pays voisins (Damas figure sur la carte de ce disque avec Bab Sharqui).
Syncrétisme musical
Mais il s'agit moins ici, malgré la présence de musiciens locaux (Johnny Kafta Anti-Vegetarian Orchestra, Charbel Haber, Abed Kobeissy ou Ali El Hout...), l'utilisation du field recording qui est l'apanage du groupe (à savoir, enregistrer des sons d'ambiance, comme le chant du muezzin sur Through the Speech...) et sans doute grâce à la combinaison d'une ligne de conduite forte et d'autres invités (le fidèle G.W. Sok de The Ex, Sylvain Joasson, Mondkopf...) d'exotiser les genres traversés par le duo que de verser dans une sorte de syncrétisme culturel et musical post-moderne qui ne fait jamais perdre l'essence viscérale de la geste Oiseaux-Tempête.
Celui-là même que l'on peut retrouver dans le jazz lorsqu'il se nourrit des mélanges sans jamais en dévoiler les ingrédients, pour accoucher d'une matière infiniment organique qui se suffit à elle-même. Voyageurs, ravageurs, fracassants, ces Oiseaux-là ne naviguent jamais mieux qu'à contre-courant et contre le vent des tempêtes musicales que provoquent leur observation du monde.
Oiseaux-Tempête & Mondkopf [+ Totorro + Milkilo], mercredi 24 Mai à 20h30 au Fil