Interview / Lambé An Dro, Emma, L'Apologie... Autant de titres qui évoque forcément l'un des plus grands groupes de rock français et bretons de la fin du 20ème siècle. Matmatah a fait un grand retour en 2017 avec un album énergique et pure : Plates Coutures. Avant son passage aux Oreilles en Pointe, le bassiste de ce groupe de scène, Eric Digoire a répondu à quelques questions sur le pourquoi de ce retour qui bat le rythme à plates coutures.
Comment êtes-vous "revenus aux affaires" avec Matmatah ?
Eric Digaire : Nous nous sommes arrêtés en 2008 après une petite tournée. Nous avons eu notre groupe d'ados attardés. Au bout d'un moment, il y avait quelques distensions humaines avec un des membres du groupe et l'impression de commencer à nous essouffler. De ce fait, avant de manquer de sincérité envers le public, nous avons décidé d'arrêter. Chacun a pris un chemin différent. Petit à petit, nous avons perdu l'habitude de nous voir, jusqu'à n'avoir plus aucun contact pendant 4 ans avec Stan (chanteur et guitariste du groupe). Mais quand on a vécu une expérience humaine aussi forte, au moment où l'on se retrouve, ça repart comme si rien ne s'était arrêté... Nous avons refait un peu de scène. Nous avions également en projet de créer une compilation balayant toutes les époques du groupe. Nous avons travaillé sur la partie visuelle de ce disque et nous sommes rendus compte que nous avions deux titres inédits sous la main que nous n'avions jamais enregistrés. Nous avons proposé à Emmanuel Baroux, guitariste, de rejoindre le groupe. Cela a donné Antaology fin 2014. Et nous nous sommes faits prendre à notre propre piège : l'histoire de Matamatah a alors repris petit à petit.
« Nous ne voulions pas faire un disque de vieux revenants avec des mélodies calmes et des thèmes assagis. »
Vous avez sorti l'album Plates Coutures en mars 2017. Les thèmes abordés sont une sorte de « constat consterné et concerné » de la société dans laquelle nous vivons. Pourquoi être parti sur ce côté assez noir ?
Pour avoir des choses à raconter, il faut vivre des choses. Quand nous étions dans le vase clos de nos périodes de tournée, nous n'avions que des pauses très courtes, sans avoir vraiment le temps de nous tenir informés de ce qui se passait autour de nous... Lorsque nous avons commencé à plancher sur ce nouvel album, nous voulions que nos chansons puissent déclencher des discussions. Sans être des donneurs de leçons, il y avait de nombreuses choses qui s'étaient déroulées depuis que notre arrêt. Nous avons commencé à discuter politique et très vite, notre discussion est partie en vrille. Mais nous étions tous d'accord sur le fait que les politiques sont accros au pouvoir, prêts à tout pour l'obtenir. Cela a donné le titre Marée Haute, expliquant les retours systématiques de types possédant un très grand nombre de casseroles... Puis nous avons abordé le thème de la montée de l'intégrisme, du Moyen-orient... Stan est féru d'histoire et d'archéologie, il a donc été très touché par les destructions du patrimoine de Palmyre et sa réaction a été la chanson Petite Frappe. Puis il a flashé sur l'histoire des Peshmerga d'où le titre éponyme... Petit à petit, les thèmes se sont trouvés d'eux-mêmes et musicalement nous étions tous d'accord pour obtenir un album énergique. Nous ne voulions pas faire un disque de vieux revenants avec des mélodies calmes et des thèmes assagis.
Vous avez fait intervenir Bruno Green (ndlr : issu du groupe Détroit) à la direction artistique. Pourquoi avoir fait le choix de travailler avec lui et pourquoi être allés en Angleterre, dans le Yorkshire, pour enregistrer ce disque ?
Le choix de l'Angleterre est une suite logique car nous avons presque toujours enregistré nos albums à l'étranger. Nous aimons travailler dans un studio en vase clos, où nous restons tous ensemble pendant plusieurs jours, avec des techniciens qui n'ont aucune idée préconçue sur ce que nous devons faire. De plus, lorsque tu enregistres du rock énergique, il vaut mieux aller dans un pays où il ne fait pas 45 degrés... (rires) Nous avions trouvé un studio en Norvège maisil n'était pas disponible à la période voulue. Du coup, Bruno Green nous a dirigés vers cette adresse anglaise. Concernant l'implication de Bruno sur cet album, nous avions bien aimé son travail avec Détroit, le réalisme et l'humanité qu'il mettait dans son travail. Le hasard des rencontres a fait le reste.
« Le live est la seule vérité. »
Depuis le début de l'année, vous avez plus de 80 dates de concert à votre actif. Le live est-il la raison d'être de Matmatah ?
Quand nous écrivons des chansons, nous nous imaginons les jouer devant les gens. C'est comme un match de foot, c'est plus intense quand ce n'est pas à huis clos... Le live est la seule vérité puisque soit tu as du monde devant toi soit tu n'as personne. Nous sommes depuis le début un groupe de scène. Quand nous avons commencé, il y avait peu de groupes de rock qui passaient à la radio... Du coup, il fallait écumer les scènes pour exister.
Est-ce que vous avez été surpris de l'engouement autour de votre retour ?
Lorsque nous étions en train de travailler sur notre retour, planqués, devant même mentir à notre entourage pour ne pas ébruiter ce que nous faisions, nous avons vu le retour des Innocents, de Trust, de Louise Attaque, de Téléphone avec les Insus... Nous avions alors l'impression d'être sur une aire d'autoroute en train de pique-niquer et de voir de grosses machines passer devant nous. (rires) Nous avons pris notre temps en respectant ce que nous avons toujours fait : entreprendre une tournée qu'en présence d'un album à défendre. Nous avons pris le risque de voir des salles peu ou pas remplies. Il s'avère que nous sommes le groupe qui a le plus tourné cet été... De plus, nous avons été agréablement surpris de voir notre public se renouveler avec la venue de jeunes ayant découvert certains de nos titres en boîte de nuit ou en soirée. (rires) Nous enchaînons cet automne avec une tournée qui s'annonce bien remplie également. C'est vraiment le pied !
Soirée Ondaine en Pointe : Matmatah + Pan, jeudi 16 novembre à 20h30, à la Forge (Chambon-Feugerolles)