Amoureux d'une jeune fille - trop jeune, dirait-on aujourd'hui - âgé lui-même de 56 ans, la genèse de la 6e Symphonie de Bruckner aurait presque tout pour évoquer un moment d'égarement. Dans un corpus dont le dénominateur commun est le doute, elle étonne par sa spontanéité, relative certes, et un lâcher-prise inhabituels. L'Angst toute germaine de l'organiste-compositeur semble apaisée, comme caressée par les ailes du désir. Un autre organiste, parangon de légèreté, Olivier Messiaen, passera lui, toute sa vie à essayer de couper le cordon qui l'unissait à sa mère, le grand poète Cécile Sauvage. L'Ascension, ou quatre méditations pour orchestre, reste une "ode à la joie très intérieure", voire égocentrée. Seul rayon de soleil au tableau de ce programme, le merveilleux Concerto pour hautbois de Richard Strauss. Interprété par le très talentueux Sébastien Giebler, ouvrage pourtant tardif dans la chronologie de l'immense compositeur, le concerto semble décoller, porté par de voluptueux papillons, au zéphyr d'un doux et alpestre printemps. L'œuvre est techniquement redoutable, et les Stéphanois pourront mesurer la chance qu'ils ont d'abriter en leurs murs un si bel interprète.
6e Symphonie de Bruckner, mardi 21 novembre à 20h à l'Opéra de Saint-Étienne