"3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance" : Une ville mise aux placards

Marqué par un enthousiasmant trio d’interprètes (Frances McDormand/Woody Harrelson/Sam Rockwell) et une narration exemplaire, ce revenge movie décalé nous fait tomber avec délices dans le panneau. Le Midwest, le vrai…

Excédée par l’inertie de la police dans l’enquête sur le meurtre de sa fille, l’opiniâtre Mildred le fait savoir sur trois pancartes géantes jusqu’alors à l’abandon au bord d’une route peu fréquentée. Les conséquences indirectes de cette initiative dépasseront tout ce qu’elle aurait pu imaginer…

La présence en tête de gondole de Frances McDormand biaise sans doute l’appréciation. N’empêche : Joel & Ethan Coen auraient pu signer 3 Billboards… Son scénariste et réalisateur, Martin McDonagh, qui s’était déjà illustré avec Bons baisers de Bruges (2008) — polar sérieusement déviant en dépit de son titre français bien naze — fond en effet avec une maestria comparable chronique sociale et sarcasme décapant dans une matrice de film noir. Certes, la géographie les sépare (McDonagh opte pour le Missouri quand les Coen balancent entre la froidure du Minnesota et le torride du Texas), mais le creuset humain est le même : une population globalement rurale riche en stéréotypes conservateurs ; un vase clos éloigné de l’administration fédérale conspuée à l’envi.

Attention : virages sur 1h56

On pourrait croire que 3 Billboards… va tourner en dérision le bouseux redneck selon des procédés communs, le renvoyant à son indécrottable arriération, son racisme et autres joyeusetés. En réalité, McDonagh offre un plaisir ineffable — et si rare — au public : celui de le déconcerter, de le déranger sans cesse dans ses attentes. Chaque séquence offre son lot d’inattendu ; chaque personnage agit à l’encontre de nos prévisions. Le manichéisme en prend pour son grade, la morale n’est pas épargnée, le politiquement correct aussi et surtout la fin se révèle fabuleusement frustrante puisqu’elle ne boucle pas l’histoire. Un tel irrespect de la doxa de la satiété comme du culte de la narration parfaite force l’admiration. Et la gratitude.

Petit bijou d’originalité, 3 Billboards… ne relève en rien du cinéma indépendant, puisqu’issu de la division “recherche” — c’est-à-dire “auteurs” — de la Fox, au même titre que La Forme de l’eau de Guillermo del Toro (Lion d’Or à Venise, sur les écrans le mois prochain) avec lequel il concourt pour les Golden Globes, en attendant les Oscar. Un studio où l’on dénombre une belle proportion de productions s’écartant des canons de la facilité, et ce bien qu’il ait été jusqu’à décembre dernier la possession du très conservateur Rupert Murdoch. Fasse que Disney, le nouveau maître des lieux, joue la continuité. Il convient parfois d’être conservateur…

3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance de Martin McDonagh (G.-B.-E.-U., 1h 56) avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell… (17 janvier)

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