Humour / Incontournable sur YouTube où il a successivement "cassé la télé", organisé une "tournée des barbeuks" et mis en ligne des sketchs et spectacles inédits, le jeune humoriste Haroun est désormais en tournée. Il passera au Centre des Congrès pour le festival des Arts Burlesques avec un seul mot d'ordre : #OnRigoleBienSaintEtienne !
Vous avez débuté par l'impro et la danse hip-hop. Comment en êtes-vous arrivé à l'humour ?
Haroun : J'ai toujours voulu faire de l'humour. L'idée a germé assez tôt dans ma tête. Un jour, un ami m'a inscrit en secret à un festival de café-théâtre étudiant. J'ai eu un mois pour écrire un sketch, je l'ai fait et cela a très bien marché. J'ai eu envie de poursuivre sur le format "seul-sur-scène", en stand-up. Le stand-up correspond à la contrainte de devoir jouer dans différentes scènes ouvertes, avec seulement un micro. Cette simplicité m'a plu et j'ai commencé à me produire dans ces salles presque tous les soirs au cours de l'année 2015.
Vous êtes passé par le Jamel Comedy Club et d'autres scènes. Qu'est-ce que cela apporte ?
Le Jamel Comedy Club correspond à un moment où j'avais déjà une expérience scénique avancée. C'est en faisant des scènes ouverte, avec très peu de spectateurs, que l'expérience se forge. Il faut essayer de capter un public qui ne vous attend pas forcément, en quelques minutes, au milieu d'une liste d'humoristes qui se succèdent. C'est là que l'on apprend à jouer avec les silences, avec son rythme, avec le fait de ne parfois pas faire rire... C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'est né ce gimmick qui revient régulièrement chez moi, à savoir « on rigole bien » ou le petit rire sur des blagues un peu gênantes.
Quand vous décrivez votre humour, vous parlez de « sarcasme gentil ». Ce style était présent dès le début ou il s'est forgé avec l'expérience ?
Le fond est resté le même. J'ai toujours été dans le sarcasme, mais en abordant toujours des sujets sociétaux ou généraux sans aucune méchanceté. Je ne souhaite pas parler de moi sur scène. C'est le personnage de mec à lunettes, propre sur lui, que j'ai travaillé avec la scène ouverte. Il correspond assez à ce que je suis au quotidien, mais disons que cela permet de mieux se connaître et de rendre spectaculaire ce qu'on est dans la vie. Je ne suis pas particulièrement le "drôle de service" dans la vie et j'ai voulu retranscrire cela sur scène, avec un personnage qui n'est pas forcément marrant mais qui dit des choses drôles.
Vous écrivez assez facilement vos sketchs ?
Je n'ai pas testé le spectacle en scène ouverte comme beaucoup peuvent le faire à Paris. J'habitais à Toulouse à l'époque où je l'écrivais. Donc il s'est construit aussi au fur et à mesure au gré de l'actualité. Il a changé à 95% depuis le début. J'ai fait un autre spectacle sur les élections présidentielles et un que je vais sortir à propos d'Internet. Ces deux créations, je les ai écrites d'une traite et je les ai testées partie par partie. Pour répondre à la question, je ne mets pas beaucoup de temps pour écrire mais le temps de retouche est plus long. Il y a tellement de précisions sur le rythme qu'il est nécessaire de faire des allers-retours réguliers entre la scène et le texte.
L'idée est de ne pas accuser les gens mais de les responsabiliser.
La mise en scène du spectacle est très minimaliste. Vous ne vous déplacez pas beaucoup. Était-ce un postulat choisi dès le départ ?
À l'origine, je bougeais beaucoup sur scène. J'ai un metteur en scène avec qui je faisais de la danse et avec qui j'ai une sensibilité sur les mouvements. Progressivement, nous avons éliminé les gestes superflus. Le but est d'être efficace et de ne pas en faire trop.
Vous ne vous mettez pas de limite dans votre humour mais vous contrôlez la manière de faire et le but est de faire rire la personne qui est touchée par votre pique. Faire rire sans faire mal ?
Exactement ! L'idée est de ne pas accuser les gens mais de les responsabiliser. Si je les accuse, ils se ferment. Si je leur dis « vous êtes responsables de cela, aidez-nous à progresser là-dessus » peut-être que la personne va s'ouvrir. Vexer les gens n'est pas la meilleure manière de les mettre de son côté. L'humour ne doit pas vexer, sinon on retourne dans la cour de récréation et cela devient de la moquerie. Dans l'humour actuel, il y a une recherche pour aller sur des sujets plus profonds, plus personnels, plus viscéraux. Aujourd'hui, on essaie de faire rire davantage par les idées que par le burlesque ou la démonstration. C'est une autre manière de faire de l'humour en enrichissant le propos et qui oblige à se creuser la tête pour écrire avec du sens.
Vous avez expliqué travailler sur un spectacle à propos d'Internet. Quel est votre rapport avec les médias ?
La scène et Internet sont complémentaires car on y trouve quasiment le même niveau de liberté. Je dis quasiment car sur Internet on peut se prendre des commentaires, des critiques parfois violentes, donc on fait peut-être plus attention. Non pas parce que l'on a peur des cons, mais parce qu'on a peur d'être mal compris et cela peut avoir des conséquences parfois graves. Sur scène, en général, les spectateurs sont déjà prévenus et savent ce qu'ils viennent voir. Donc la liberté est très grande. Pour la télé, c'est autre chose. Mon expérience chez Ardisson s'est arrêtée très rapidement. Je n'étais pas très bon là-dedans car ce n'est pas mon univers. Je n'aime pas leur façon de couper, leur rythme... C'est un monde qui a vieilli et qui ne sait plus retranscrire ce dont on a besoin en ce moment, c'est-à-dire un retour à l'humanité et à la réalité. Ce qui est étonnant, c'est que la télé est très dépendante d'Internet, elle a peur des retours qu'elle peut avoir de la part des internautes... Elle n'arrive plus à toucher une certaine catégorie de la population. C'est dommage car c'est un très bel outil. Seulement, il est tenu par des personnes qui ne veulent pas lâcher et par de grosses boîtes qui ont peur de faire une erreur avec les budgets énormes engagés. Du coup, on essaie de tout maîtriser, on coupe, etc. Alors qu'un peu plus de direct ferait du bien. Renouer avec ce qui faisait le charme de la télé, c'est-à-dire l'incontrôlable, l'organique...
Haroun, jeudi 22 février à 21h, au Centre des Congrès de Saint-Étienne, dans le cadre du 15e festival des Arts Burlesques