Étrangetés, curiosités et autres exotismes

Panorama ciné février / Février, c’est les vacances. Alors, comme dirait Audiard, « quand le tout-venant a été piraté par les mômes, qu’est-ce qu’on fait ? On se risque sur le bizarre ! » Judicieux conseil.

Déjà affligé d’une longueur aussi insolite que variable, le mois de février subit en sus la malédiction du triple zonage des congés d’hiver, le recouvrant presque totalement. Par conséquent, il compte une inflation de films familiaux et/ou jeune public, lesquels se ruent sur les écrans tels des citadins pâles au tire-fesses. Heureusement pour les spectateurs et spectatrices, une frange d’œuvres plus culottées résiste encore et toujours, jouant la contre-programmation.

Questions de genre(s)

Il faudra attendre pour revoir les plus barré·e·s, Les Garçons Sauvages de Bertrand Mandico (28 février), qui avaient fait une apparition en avant-première lors de Face à Face. Reprenant l’imaginaire de Jules Verne, de Cocteau, de Fassbinder et de Genet, ce conte moderne joue de toutes les ficelles plastiques du cinéma pour narrer le parcours d’une petite bande de "fissapapas" pervers et délinquants, expédiés en pénitence sur une île extraordinaire, habitée par un·e scientifique travaillant sur les changements de sexe. Arty, élégant, un peu agaçant, mais d’un splendide noir et blanc et judicieusement interprété par l’irremplaçable Vimala Pons et d’autres garçon·nes de son acabit — telle Diane Rouxel.

Auparavant, une jolie collection de court métrages montée en programme, 4 Histoires fantastiques (14 février) offre un bel écrin et un joli écho à un carré d’auteurs hexagonaux émergents ayant osé se frotter à ce registre. De ces quatre univers totalement indépendants (mais partageant l’excellence des SFX), on distinguera surtout les deux derniers opus : le sérieusement cronenbergien Aurore de Maël le Mée (où l’adolescente donnant son nom au titre se découvre la faculté de pénétrer les corps comme de la glaise — troublant, érotique et fascinant, malgré une chute trop gentillette) et Acide de Just Philippot, à l’efficacité cuisante, donnant un avant-goût d’un cataclysme écologique, avec une humanité rongée par des précipitations corrosives.

Métamorphoses ordinaires

Si l’on y réfléchit cinq minutes, chacun a déjà vécu l’expérience de changer de corps — ne serait ce qu’en passant de l’enfance à l’âge adulte. Douloureuse ou délicieuse, la période de l’adolescence, avec ses trouble et modifications surnaturelles, suscite toujours des films intrigants. Confirmation avec England is Mine de Mark Gill (7 février) retraçant la germination et la maturation du futur leader des Smiths, Steven Patrick Morrissey, et s’arrêtant au seuil de la notoriété. Un biopic new wave, plus abstrait et poétique que gavé d’anecdotes, sur un fond social marqué. Que de résonances avec le Lady Bird de Greta Gerwig (28 février), portrait d’une lycéenne de Sacrameto honteuse de sa basse extraction, ambitionnant d’étudier à New York. Entre mensonges et désillusions, cette chronique du tournant du siècle, sans doute parsemé d’autobiographie, repose sur Saoirse Ronan. Qui croise Timothée Chalamet, l’interprète de Call Me By Your Name de Luca Guadagnino (même date), son concurrent “indé” aux Oscars avec cette histoire de séduction homosexuelle dans une Italie estivale de 1983, aux forts relents de Maurice, Chambre avec vue, Mort à Venise et autres films avec éphèbes et/ou James Ivory au générique et/ou Italie vrombissante de cigales. Joli, mais long comme une méridienne sans bain.

Bon, et si vraiment vous devez vous cogner une séance avec la marmaille, sachez à toutes fins utiles que Cro Man (7 février) de Nick Park parle davantage de football que de l’âge des cavernes (et, accessoirement, figure parmi les moins réussis produits par les studios Aardman, où l’on maîtrise mieux le stop motion de plasticine que l’écriture du dialogue). Mais qu’en revanche — divine surprise — Belle et Sébastien 3 : le dernier chapitre (14 février) s’éloigne des mièvreries canines à la neige pour s’aventurer dans une noirceur laughtonnesque : Clovis Cornillac (devant et derrière la caméra) y campe un méchant digne de Mitchum dans La Nuit du chasseur. Après l’avoir vu, votre progéniture se tiendra à carreaux…

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