Théâtre / Catherine Hiegel et Tania Torrens exhibent les affres de l'âge dans "La nostalgie des blattes", spectacle "beckettien" signé Pierre Notte. Une comédie qui donne un peu le cafard, avouons-le.
C'est un monde sans gluten, ni détritus, ni champignons, ni moucherons, ni sucre, ni cigarettes, un monde idéalisé, aseptisé, blanc, débarrassé enfin de tout ce qui pourrait faire tache. Dans ce monde parfait, elles, les deux vieilles, elles en viennent à regretter les abeilles, le miel, les vins, le roquefort, les pigeons et les rats, elles ont parfois la nostalgie des blattes. Concours des signes de la vieillesse : taches sur les mains, rides au front, paupières tombantes. Elles exhibent dans cette fête foraine désertée les effets du temps sans collagène, ni bistouri, ni Botox. Elles sont les seules, les ultimes vraies vieilles d'un monde où rôde une brigade sanitaire. Elles attendent un passant, un client, un sauveur. Rien ne vient. Elles se foutent sur la gueule au moindre centimètre carré volé par l'autre.
« Il est bâclé votre Alzheimer »
L'une, Tania Torrens, mime un parfait Parkinson dans un art consommé de la main branlante... L'autre, Catherine Hiegel, surjoue un Alzheimer que sa comparse juge peu crédible : « Il est bâclé votre Alzheimer. » Ces deux anciennes de la Comédie-Française ont sollicité Pierre Notte pour imaginer une pièce pour deux femmes qui se laisseraient vieillir sans recourir à la chirurgie esthétique. Elles montreraient au monde ce que ça fait le temps sur les visages, sur les corps, s'exposant elles-mêmes dans les cabines d'un musée de vieilles. Le dramaturge et metteur en scène, auteur entre autres de J'existe (foutez-moi la paix), Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs, C'est Noël tant pis, les a prises au mot. Il a écrit pour elles un duo sur mesure, un duel sanglant pour deux vieilles peaux, un combat sans merci pour deux monstres sacrés du théâtre français.
La nostalgie des blattes, du 26 au 29 mars à 20h, à la Comédie de Saint-Étienne