Depuis le New-York des années 70 jusqu'à Amsterdam, Paris, Londres, Berlin et Munich, hauts lieux d'infection du virus, le phénomène du "graffiti" ne cesse d'évoluer depuis qu'il a troqué ses oripeaux de subculture contre la reconnaissance unanime d'un vrai statut d'art urbain. On compte aujourd'hui dans le monde des milliers de graffeurs, tous aussi créatifs (ou presque), faisant vivre un courant artistique qui ne se cantonne plus aux murs des cités, puisqu'il trouve aussi peu à peu sa place dans les galeries chic ou chez les collectionneurs. La subversion s'étiole au profit d'une création tous azimuts. Les techniques se diversifient, du pochoir à la mosaïque en passant par le sticker ou encore le yarn bombing qui habille les arbres de tricots ultra colorés. Le Posca et la bombe aérosol font bon ménage mais tous les street artistes ne vivent pas de leurs dessins et nombreux sont ceux qui demeurent, par choix ou par la force des choses, dans l'anonymat. Certes, c'est là aussi l'un des traits de l'art de rue, presque un sport, que de cultiver le mystère (à l'instar du britannique Banksy) en dissimulant son identité (le plus souvent sous une large capuche) pour éviter par la même occasion quelques soucis avec la loi. À Saint-Étienne, le couple à-la-vie-à-la-rue Ella & Pitr semble avoir ouvert la voie aux artistes dont on tolère les collages, voire à qui l'on passe des commandes d'œuvres éphémères avec de l'argent public. Les mœurs évoluent à pas de velours.
On écrit sur les murs
Pour sa quatrième édition, le Street Art Festival de Roche la Molière invite une belle sélection de huit créateurs à venir recouvrir en toute légalité quelques murs choisis. La commune affirme ainsi, année après année, son souhait de devenir un musée à ciel ouvert, comme pour mieux gommer (sans pour autant le renier) son passé minier. Aux côtés de Lady M, Daco, Apogé, RNST, Astheber, Rauky et du Stéphanois OAKOAK, nous retrouverons notamment C215, alias Christian Guémy. L'artiste parisien qui avait peint le visage de Christiane Taubira sur un mur de Vitry en 2013 pour soutenir la Ministre de la Justice prise sous un feu d'attaques racistes, avait vu en 2015 l'une de ses œuvres se faire arracher à la rue (une armoire électrique EDF !), en marge de son exposition à la galerie stéphanoise Les Tournesols. C215 est un pochoiriste poético-réaliste dont l'univers lumineux est peuplé d'anonymes, d'amoureux ou d'animaux, des portraits qui offrent inopinément une nouvelle fraîcheur aux façades grises. Quant à OAKOAK, plus habitué à détourner le mobilier urbain ou les défauts de la chaussée, gageons qu'il nous étonne une fois encore par son inventivité espiègle.
S.A.F.I.R #4, du 25 au 27 mai à Roche la Molière