Un talent cru

Cannibale

La Comédie de Saint-Etienne

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Depuis sa création à Lyon il y a tout juste deux ans, Cannibale a fait du chemin passant notamment par le remarquable festival Théâtre en Mai de Dijon l'an dernier. Ce n'est que justice que ces jeunes artistes, issus en partie de la Comédie de Saint-Etienne, fassent escale à domicile !

Deux hommes cuisinent en se racontant des banalités. Ils sont manifestement chez eux, les odeurs de nourriture commencent à envahir l'espace. Ça n'a l'air de rien, c'est pourtant légèrement inquiétant : le couteau, même manié avec attention pour émincer des oignons, est presque un danger. Un faux mouvement et c'est la blessure assurée.

Cannibale est à l'instar de ce geste : constamment sur le fil du rasoir. Le récit se nourrit de ces détails ; pour le reste, rien à signaler : que le couple soit formé de deux garçons n'est jamais un sujet. L'homosexualité n'est pas discutée. Elle est là, montrée et vécue, en même temps totalement absente. Ce qui intéresse l'auteur Agnès D'halluin est cette histoire d'amour solide et magnifique ébranlée par la maladie incurable de l'un deux, poussant le rescapé à envisager de dévorer le corps de l'autre, mort.

Arme d'émotion massive

Ce cannibalisme est aussi théâtral : l'envie de livrer une pièce très écrite et très incarnée, comme si Truffaut avait croisé François Ozon, comme si Rohmer se baladait chez Guiraudie. Ne pas exclure un lieu au profit d'un autre. La metteuse en scène Maud Lefebvre, issue comme les deux comédiens Arthur Fourcade et Martin Sève de l'école de la Comédie de Saint-Étienne, nous emmène partout : elle n'a négligé ni l'intérieur de l'appartement créant des zones d'intimité et d'étreintes — d'engueulades aussi — qui ne tournent jamais à l'impudeur (la salle de bain, la chambre) ni les zones publiques, en l’occurrence une forêt projetée à l'avant du plateau.

Une danse s'invite, conférant à ce spectacle une vitalité hors norme, pas seulement parce qu'il traite d'une sorte de dernière sortie avant le drame mais parce qu'il ose allier la tendresse à la noirceur, bousculer son rythme en permanence, envoyer valdinguer la morbidité sans que jamais cela ne sonne creux ou vire à l'exercice de style. Le jeune Collectif X, qui irrigue la cité stéphanoise d'un travail participatif avec les habitants dans le projet Ville, signe là sa (première) grande œuvre, de celles qui font date.

Cannibale, à la Comédie de Saint-Étienne du 23 au 25 mai

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