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Trois visages : Ceci n'est [toujours] pas un film — mais en fait, si
Par Vincent Raymond
Publié Mercredi 6 juin 2018 - 1197 lectures
Photo : © Memento Films
Trois visages
De Jafar Panahi (Ir, 1h40) avec Behnaz Jafari, Jafar Panahi...
Le film de la semaine / Passé expert dans l’art de la prétérition et de la mise en abyme, le cinéaste Jafar Panahi brave l’interdiction qui lui est faite de réaliser des films en signant une œuvre tout entière marquée par la question de l’empêchement. Éblouissant Prix du scénario à Cannes.
Dans une vidéo filmée au portable, Marziyeh, une jeune villageoise se montre en train de se pendre parce que la comédienne Behnaz Jafari n’a pas répondu à ses appels à l’aide. Troublée, Behnaz se rend sur place accompagnée par le réalisateur Jafar Panahi. Mais Marziyeh a disparu…
Avoir été mis à l’index par le régime iranien en 2010 semble avoir stimulé Jafar Panahi : malgré les brimades, condamnations et interdictions diverses d’exercer son métier comme de quitter son pays, le cinéaste n’a cessé de tourner des œuvres portées par un subtil esprit de résistance, où se ressent imperceptiblement la férule des autorités (le confinement porche de la réclusion pénitentiaire dans Taxi Téhéran ou Pardé), où s’expriment à mi-mots ses ukases et ses sentences — c’est encore ici le cas, lorsqu’un villageois candide demande benoîtement pourquoi Panahi ne peut pas aller à l’étranger.
Auto-fiction
Le cinéaste Panahi joue ici son propre rôle, tout en servant dans cette fiction de chauffeur et de témoin-confident à sa protagoniste. Devant la caméra la plupart du temps, hors-champ souvent, il n’est pas sensé réaliser le film qu’il dirige cependant. C’est là le moindre des paradoxe de ce Trois visages énumérant une suite hallucinante d’empêchements ou d’entrave dès son ouverture. Montrant un simulacre de film tourné au téléphone dans une caverne (bonjour Platon) les premières images apparaissent comme prises en étau projetées sur le grand écran. Le film qui se déroule ensuite devant nos yeux, cet acte créatif existe par la privation ou la contrainte : Behnaz Jafari abandonne un tournage et plante une équipe pour venir à la recherche de Marziyeh, Panahi l’accompagne car il ne peut pas travailler, Marziyeh les a appelées car on l’empêche d’être comédienne, ils découvrent une ancienne actrice considérée comme paria dans son village — et l’on ne parle pas des obstacle physiques et communicationnels se mettant en travers de leur chemin.
De cette collection de déconvenues naît cependant un film sur l’accomplissement immuable d’une destinée artistique. Un projet de surcroît annoncé tranquillement par Panahi lui-même dès le début lorsque sa consœur se lamente de l’absence de Behnaz : l’imprévu force à la créativité. Rien ne peut empêcher un artiste d’accomplir son œuvre. Surtout s’il s’appelle Panahi.
Trois visages de et avec Jafar Panahi (Ir., 1h40) avec également Behnaz Jafari, Marziyeh Rezaei…
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