Polar / de Erick Zonca (Fr., 1h54) avec Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain...
Flic lessivé et alcoolo, le capitaine Visconti enquête la disparition de Dany. Très vite, il éprouve une vive sympathie pour la mère éplorée de l'ado, ainsi qu'une méfiance viscérale pour Bellaile, voisin empressé, professeur de lettres et apprenti écrivain ayant donné des cours privés à Dany...
Des Rivières pourpres à Fleuve noir... Vincent Cassel a un sens aigu de la continuité : les deux films sont on ne peut plus indépendants, mais l'on peut imaginer que son personnage de jeune flic chien fou chez Kassovitz a, avec le temps, pris de la bouteille (n'oubliant pas de la téter au passage) pour devenir l'épave chiffonnée de Quasimodo au cheveu gras et hirsute louvoyant chez Zonca. Cette silhouette qui, entre deux gorgeons, manifeste encore un soupçon de flair et des intuitions à la Columbo ; ce fantôme hanté par ses spectres. Terrible dans sa déchéance et désarmant dans son obstination à réparer ailleurs ce qu'il a saccagé dans son propre foyer, ce personnage est un caviar pour un comédien prêt à l'investir physiquement. C'est le cas de Cassel, qui n'avait pas eu à habiter de rôle aussi épais depuis trop longtemps. Face à lui, Duris en prof précieux suit sa ligne Éduc'Nat' adoptée pour Madame Hyde — en moins histrionique, quand même — manque d'un soupçon de perversité pour être totalement inquiétant. Ce défaut constitue, avec la crise de nerfs bancale d'Élodie Bouchez, le seul bémol de ce concerto noir.
Enquête sur une disparition signée par un cinéaste revenant (son précédent long, Julia, date de 2007), Fleuve noir est un mystère douloureux dont la résolution n'est pas la clef : plus importante est la mise en lumière des parts d'ombre de l'être humain ou celle des recoins insoupçonnés des espaces communs. Éprouvant et fascinant à la fois.